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Choc pétrolier : la fin de la civilisation fossile est-elle arrivée ?

Les cours du pétrole se sont effondrés cette semaine, du fait de l’épidémie du coronavirus et d’un marché déjà très fragile. La fin annoncée de la civilisation fossile est-elle arrivée ? Consommation, réserve, rentabilité du brut… We Demain fait le point.

Le 12/03/2020 par WeDemain
La consommation mondiale de pétrole devrait progresser jusqu'en 2040. (Crédit : Shutterstock)
La consommation mondiale de pétrole devrait progresser jusqu'en 2040. (Crédit : Shutterstock)

Lundi 9 mars, à la Bourse d’Arabie saoudite, le cours de la compagnie pétrolière Aramco a reculé pour la première fois depuis son introduction de 10 %. À Paris, le CAC 40 s’écroulait de 7,20 % à son ouverture, entrainé notamment par une chute de plus de 13 % des actions de Total.

La raison de ce vent de panique ? Le ralentissement de la croissance économique mondiale causé par l’épidémie du coronavirus, qui a fait baisser la demande d’or noir, particulièrement en Chine. Dans la foulée, l’échec des négociations entre les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et la Russie pour réduire la production de pétrole a conduit l’Arabie Saoudite à baisser ses prix pétroliers, afin de s’accaparer davantage le marché. Résultat : une chute des cours inédite depuis la première guerre du Golfe en 1991.

Cette crise marquerait-elle le début de la fin de l’ère pétrolière ? We Demain fait le point.

Une consommation de pétrole en hausse

Le pétrole ne représente « plus » que 31 % de la consommation d’énergie mondiale, contre 45 % en 1974. Une baisse qui s’explique notamment par l’amélioration de la performance des véhicules, avec moins de carburant consommé au kilomètre, et à une meilleure isolation des bâtiments. L’industrie utilise moins de pétrole, plus d’électricité et de gaz. Le chauffage au fioul est aussi devenu marginal.
 
Mais la consommation continue de progresser en valeur absolue et devrait encore augmenter jusqu’en 2040, selon l’Agence Internationale de l’Énergie. D’abord car le secteur du transport absorbe encore plus de 50 % du pétrole et que les voitures thermiques seront plus nombreuses dans les années à venir dans les pays développés, même si les achats de véhicules électriques progressent.  Les vingt prochaines années seront aussi marquées par une hausse du trafic aérien (de 4 à 5 %, selon l’Agence Internationale de Transport Aérien), maritime et routier… Très gourmands en pétrole. 

Enfin, la pétrochimie consomme de plus en plus d’hydrocarbures pour répondre à la demande croissante de produits plastiques… La progression du recyclage et la disparition de certains produits en plastique ne concerne en effet que certains pays.
 

Des réserves plus importantes

Dans les années 60, on pensait que le pic pétrolier, c’est à dire le moment où la production baisserait, aurait lieu dans les années 2000. Une estimation qui s’est révélée fausse : en 2018, quasiment 85 millions de barils étaient produits par jour, soit 57 % de plus qu’au milieu des années 70.
 
L’amélioration des techniques d’exploration-extraction a notamment permis d’accéder au pétrole non conventionnel. Les réserves prouvées culminent à 1700 milliards de barils depuis quelques années, soit 2,5 fois plus qu’au début des années 80. Ces réserves prouvées désignent les quantités de pétrole qui ont 90 % de chance d’être récupérées et rentabilisées. À distinguer des « réserves prouvées et probables (50 % de chance d’être récupérées), et des réserves « prouvées, probables et possibles » dont ces chances chutent à 10 %.

Les réserves prouvées pourraient couvrir un peu moins de 50 années de consommation, ce qui repousse un peu plus l’échéance du pic pétrolier…Mais une étude publiée fin 2019 par le Centre de recherche géologique de Finlande (GTK) contredit cette théorie.

Mais le pétrole est de plus en plus cher à extraire

Ce rapport souligne que s’il reste « beaucoup de pétrole », il est « de plus en plus cher d’y accéder ». Et que l’offre est limitée « par le nombre de projets économiquement viables. »
 
Il estime aussi qu’environ 81 % des champs pétrolifères (pétrole conventionnel, NDLR) sont actuellement en déclin, et que le taux de découverte de nouveaux champs pétrolifères est à son plus bas.
 
Cette diminution des réserves de pétrole conventionnel (dont l’exploitation se fait par un simple forage) est actuellement compensée par celles de pétrole non conventionnel. Mais son extraction nécessite notamment le recours à la fracturation hydraulique qui est très couteuse, comme pour le pétrole de schiste américain, dont la production moyenne a augmenté de 28 % entre 2010 et 2018.

Vers une civilisation de l’après-fossile ?

Selon le GTK, nous approchons donc rapidement d’un point où les investisseurs perdront confiance dans l’industrie pétrolière, de moins en moins rentable. Le rapport conclut que la production américaine de pétrole de schiste « sera probablement en déclin terminal dans les 5 à 10 prochaines années« .

C’est aussi l’analyse du prospectiviste Jeremy Rifkin, qui prédit l’effondrement de la civilisation fossile d’ici 2028, notamment car les énergies renouvelables deviennent beaucoup moins chères que le pétrole.

Mais le crack pétrolier ne saurait permettre à lui seul l’avènement d’une civilisation de l’après-fossile. Un changement de société global, de nos modes de consommation et de production, est pour cela nécessaire, et désormais urgent.

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