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Vigne de Cocagne, le premier vignoble bio et solidaire

Le 20/03/2019 par Maxime Brousse

Difficile d’imaginer, en arpentant les 7 hectares de vignes du Domaine de Mirabeau, dans l’Hérault, que ce lieu était destiné à devenir un centre de traitement des déchets pour l’agglomération montpelliéraine. Ici, c’est maintenant Vigne de Cocagne, un domaine viticole développé par Pauline Chatin.

Diplômée de l’Institut d’études politiques de Toulouse, elle suit d’abord un master à l’ESSEC avant de passer un BTS « métiers du vin » par correspondance, car la vigne la passionne. Un court passage chez Areva lui fait réaliser que les grosses structures ne lui conviennent pas : elle entre alors dans « une petite boîte de conseil dans le développement durable », et découvre l’économie sociale et solidaire.

Pauline, la trentaine aujourd’hui, constate alors que le taux de chômage est de près de 15 % dans l’Hérault, alors que les exploitations viti-vinicoles qui parsèment le département (le plus important producteur en volume du secteur) peinent à embaucher une main-d’œuvre qualifiée. « Je me suis dit : pourquoi ne pas former des personnes éloignées de l’emploi au métier d’ouvrier viti-vinicole ? » Au même moment, elle rencontre les équipes du Réseau Cocagne, qui « œuvre pour l’insertion sociale à travers le maraîchage bio ».

Puis une amie lui parle de Mirabeau, racheté par la mairie de Fabrègues après une mobilisation citoyenne contre le projet de centre de traitement des déchets. Elle rencontre aussi Jean-Charles Thibault, « vigneron bio convaincu et passionné », dont les vingt ans d’expériences seront décisifs. Les réunions s’enchaînent vite avec l’équipe municipale et la première Vigne de Cocagne naît en 2017.

Son but : proposer un vin « bio, local et solidaire ». Après quarante ans d’exploitation conventionnelle, les parcelles sont donc converties au bio (la certification « agriculture biologique » est prévue pour 2020) et les bouteilles seront vendues en direct sur l’exploitation ou en circuit court.

À l’horizon 2022, Vigne de Cocagne envisage de créer quatre postes en insertion : des postes réservés à des chômeurs de longue durée ou des jeunes en difficulté sur le marché de l’emploi, souvent à cause de problèmes personnels. Un parcours de formation de deux ans maximum, encadré par un accompagnateur socioprofessionnel, leur permettra de maîtriser les métiers du vin aussi bien dans la vigne que dans la cave. Céline et Aurélie, arrivées à la fin de l’été, sont déjà en formation sur l’exploitation

Premières cuvées

Dans les vignes comme à son bureau, l’enthousiasme de Pauline paye. Son projet fait partie des Grands Gagnants de 2017 de La Fabrique Aviva (un concours organisé par l’assureur pour apporter un soutien financier « aux idées entrepreneuriales à la fois utiles et innovantes ») et reçoit à ce titre une dotation de 50 000 euros. La même année, le Domaine de Mirabeau est sélectionné comme « site pilote pour la reconquête de la biodiversité » par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Cette fois, c’est l’ensemble du domaine qui est lauréat : 220 hectares de terres et 2 200 mètres carrés de mas.

Car Pauline est loin d’être seule dans l’aventure – c’est d’ailleurs l’aspect collectif du projet qui l’a convaincue de se lancer. Parmi ses partenaires, le Conservatoire des espaces naturels sera chargé de faire de l’endroit un « pôle d’excellence agroécologique et social ». Outre le chantier d’insertion, le lieu cultivera une parcelle de maraîchage bio. Un éleveur de chèvres et/ou de moutons devrait s’implanter sur les terres du domaine, qui accueillera aussi une boutique paysanne pour vendre sa production en direct.

Les premières vendanges de Vigne de Cocagne ont eu lieu en septembre. Les 2,5 hectares de merlot et du cinsault ont été récoltés. Objectif : 200 hectolitres, soit 25 000 bouteilles. Les premières cuvées sont sorties ce printemps, et des bouteilles ont déjà été prévendues sur Bluebees, un site de « finance participative dédié aux projets d’agriculture et d’alimentation écologiques ». Vous avez dit métier d’avenir ?
 

Cet article a été publié dans la revue We Demain, disponible en kiosque, en librairie et sur notre boutique en ligne

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