Zéro douche en 12 ans : ce chimiste a trouvé comment ne plus se laver

ll ne s’est pas lavé depuis douze ans. Le cas de David Whitlock, cet ingénieur chimiste américain qui a annoncé ne plus avoir pris de douche depuis douze ans, a interloqué la presse internationale début septembre. Son secret ? Un produit alternatif aux solutions d’hygiène traditionnelles, qu’il a inventé puis commercialisé sous le nom de « Mother Dirt » (mère saleté) grâce à sa start-up AOBiome. 

 
Lancée en 2010, celle-ci vend des sprays à 49 dollars censés aider ses clients à utiliser moins de gel douche industriel et à prendre moins de douches. L’idée pourrait paraître loufoque de prime abord, mais elle compte déjà deux autorisations délivrées par l’office des brevets et des marques américain. Quant à AOBiome, elle est dirigée par une équipe constituée d’anciens élèves du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et d’anciens cadres de moyennes et grandes entreprises de biotechnologie américaines.

Bains de crasse
 
Il y a douze ans, David Whitlock, lui aussi diplômé du MIT, se voit poser une question surprenante lors d’un rendez-vous galant : « Pourquoi mon cheval se vautre-t-il systématiquement dans la boue ? » Mû par le désir d’y apporter une réponse scientifique, comme il l’explique au magazine en ligne Motherboard Allemagne, l’ingénieur chimiste entame des recherches. Il découvre que si les chevaux s’adonnent à ces bains de crasse, c’est parce qu’ils s’enduisent ainsi de bactéries vivantes qui protègent leur flore cutanée, et donc leur organisme.

Fort de ce constat, le chimiste décide de tester le principe sur l’homme, en assemblant plusieurs bactéries qu’il qualifie de « positives ». Ces dernières, selon lui, neutralisent l’effet d’autres bactéries présentes dans notre environnement et nuisibles à l’homme, qu’il qualifie de « négatives ».

Bactéries « positives »
 
Ce cocktail de bactéries « positives » en spray a le pouvoir de décomposer l’ammoniac, le composé chimique responsable de l’odeur de notre transpiration. David Whitlock assure ainsi que son spray lui permet de ne pas sentir mauvais, même sans prendre de douche. Par ailleurs, l’interaction de ces bactéries « positives » permettrait la création de molécules qui protègent la peau contre les champignons et les infections. L’un des composants dégagés par les bactéries, le monoxyde d’azote, dilate en outre les vaisseaux sanguins, ce qui permet de réduire la pression artérielle et de mieux contrôler les érections. Dernier avantage du spray, selon son créateur : ses bienfaits « psychologiques ».
 

« Ces bactéries positives ont un effet apaisant. Ne pas se laver est comme une méditation pour la peau », explique-t-il à Motherboard, tout en précisant que depuis qu’il applique sa méthode, il est « toujours de bonne humeur ».  

 
 

Sa « méthode », David Whitlock se l’applique en spray deux fois par jour, à chaque fois qu’il se lave les mains, après se les être rincées à l’eau puis séchées. C’est tout. Pas de bain ou de douche, ou très rarement, en s’aspergeant de spray tout le corps une fois sec. Car là réside la conviction du chimiste :

« À force d’utiliser des savons chimiques, et de nous appliquer crèmes et cosmétiques à outrance, nous bouleversons l’équilibre naturel de notre peau », explique-t-il.

Selon lui, l’eau et le savon (ou tout autre produit) l’agresseraient. À terme, les « bonnes bactéries » s’échappent, au lieu de rester. Une raison suffisante pour ne plus se laver. Pour autant, ne plus prendre de douches n’est, d’après David Whitlock, pas une condition sine qua non du « maintien de l’équilibre de la peau », comme il le précise à Motherboard Allemagne : « Si vous voulez continuer à prendre des douches tout en retrouvant votre flore bactérienne naturelle, il vous suffit d’appliquer le spray après vous être séché. » 

Une thèse qui a convaincu jusqu’à présent plus de mille usagers du spray.  AOBiome en a profité pour lancer, en juillet, une gamme de gel douche et de shampoing aux bactéries.

Contaminations ?

Si les produits de la start-up rencontrent un certain succès auprès des consommateurs, ils ne font pourtant pas l’unanimité chez les spécialistes. Pour le médecin français Nina Roos, spécialisée en dermatologie, la méthode de David Whitlock est critiquable, explique-t-elle à l’Obs : 
  


« On veut du naturel, et voilà qu’on va aller développer des bactéries qu’on va ensuite conditionner dans un emballage pas du tout écologique. On prend ensuite un risque pour la santé, car qui nous dit qu’il n’y a pas eu des contaminations avec d’autres bactéries nuisibles lors du conditionnement ? »

 
Un point de vue contredit par les expériences menées par des scientifiques aux États-Unis, dont l’Américain Jamie Heywood, cofondateur de la plateforme en ligne Patients like me (Des patients comme moi), sur laquelle échangent des personnes atteintes de maladies rares. Ce dernier a aidé David Whitlock a lancer AOBiome en 2010, après avoir lui-même testé ses bactéries : 
 
 

« J’ai essayé de jouer mon rôle de scientifique sceptique, mais force est de constater que quand j’utilisais le spray, je n’avais plus besoin de déodorant. Et mes allergies et eczémas diminuaient drastiquement. »

 
Pour asseoir la légitimité du spray, AOBiome a depuis commandé plusieurs études portant sur ses effets dermatologiques. En juin, l’agence américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) a approuvé un essai clinique visant à étudier l’efficacité de ce cocktail de bactéries sur l’acné.


Lara Charmeil
@LaraCharmeil

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