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Dans l'Indre, une ferme agroécologique devenue aussi centrale d'énergie

Sylvain Pimont © JEREMY LEMPIN

Publié par Florence Santrot  |  Mis à jour le

Dans l’Indre, Sylvain Pimont a transformé son exploitation agricole en modèle de résilience locale. Entre méthanisation, photovoltaïque et rotation des cultures, il vise un maximum d’autonomie tout en créant des emplois et de la valeur sur son territoire.

Chazelet (Indre, 36), Centre-Val de Loire – Entre Limoges et Châteauroux, au sud. de l’Indre, l’équivalent d’un quart des 5 000 habitants d’Argenton-sur-Creuse se chauffe grâce au méthaniseur d’une exploitation située à quelques kilomètres. Cette vaste ferme, qui s’étend sur 650 hectares, c’est celle de Sylvain Pimont. Dans le paysage vallonné de Chazelet, il a fait le pari d’un modèle agricole repensé autour de la souveraineté énergétique et, plus largement, de l’autonomie sous toutes ses formes pour gagner en résilience. Depuis 2004, année où il a reprise l’expoitation de ses parents, il n’a eu de cesse de réinventer son métier pour l’adapter aux incertitudes du monde qui pèsent aujourd’hui et pèseront encore plus demain.

Entre bovins limousins, grandes cultures en rotation et méthaniseur injectant du biogaz dans le réseau local, son exploitation est devenue un démonstrateur d’autonomie territoriale. “Je cherche avant tout à à ne pas dépendre de ressources extérieures ”, résume simplement Sylvain Pimont. Une philosophie qui imprègne chaque strate de son organisation, baptisée Agro-Éco. Depuis plusieurs années, cet agriculteur a fait le choix d’un système intégré où cultures, élevage et production d’énergie dialoguent. Résultat : sa ferme est non seulement autosuffisante en énergie, mais elle en produit désormais davantage qu’elle n’en consomme.

Sylvain Pimont Agro-Eco
Sylvain Pimont pose à côté de son méthaniseur, créé sur son exploitation Agro-Éco située à Chazelet, dans l’Indre. Crédit : Jérémy Lempin / WD.

Indre : quand les vaches chauffent la ville voisine

Le cœur du dispositif, c’est son méthaniseur. Installé depuis 2018 au cœur de l’exploitation, cet équipement qui a nécessité un investissement de 3,3 millions d’euros (amortis en 8 ans) permet de valoriser les effluents d’élevage – Sylvain Pimont possède 70 mères allaitantes, de race limousine – et les résidus végétaux en biométhane. Ce biogaz est ensuite injecté directement dans le réseau de gaz naturel de l’agglomération d’Argenton-sur-Creuse, commune voisine. “Sur l’agglomération, on fournit à peu près 25 % du gaz de ville consommé”, précise-t-il.

Le principe est simple : au lieu de laisser fermenter les fumiers ou les résidus de récolte en bout de champ, ils sont digérés dans le méthaniseur. Le biogaz produit alimente le réseau, tandis que le digestat, résidu de la fermentation, retourne aux champs comme engrais organique. “C’est un très bon fertilisant naturel, qui me permet de ne plus dépendre d’engrais extérieurs”, souligne l’agriculteur.

Ce modèle circulaire permet de fermer les boucles. D’un côté, la culture produit de l’alimentation pour le bétail et du fourrage, mais aussi des intrants pour la méthanisation. De l’autre, le digestat enrichit les sols, favorisant une fertilité durable. “On est dans une recherche d’équilibre permanent, mais l’objectif ne change pas : être plus autonome, plus résilient et créer de la valeur localement.”

méthanisation
À l’intérieur d’une des deux unités de méthanisation de la ferme. Ici effluents d’élevage et résidus de cultures sont valorisés et transformés en biogazz mais aussi en intrants pour les champs. Crédit : Jérémy Lempin / WD.

Un moteur économique pour la ferme et son territoire

Au-delà de l’intérêt agronomique et écologique, ce virage vers l’énergie renouvelable a profondément transformé l’économie de la ferme. Alors qu’elle ne comptait qu’un salarié il y a quelques années, elle en emploie aujourd’hui sept à temps plein. Une accélération rendue possible grâce au méthaniseur. “Ce sont tous des gens qui vivent sur le territoire. Ça redynamise les petits commerces, les écoles. Sur nos territoires ruraux, le seul moyen de maintenir des gens, c’est d’avoir de l’activité économique”, rappelle Sylvain Pimont.

La vente du biométhane, adossée à un contrat d’achat sur 15 ans, apporte une visibilité rare pour une exploitation agricole. Elle permet aussi de sécuriser les emplois et de planifier l’avenir. Aujourd’hui, la méthanisation représente environ 80 % du chiffre d’affaires de la ferme. Une diversification qui protège également contre les aléas climatiques, de plus en plus fréquents dans la région. “Le risque climatique n’est peut-être pas le plus important aujourd’hui, mais il va le devenir, c’est certain”, anticipe-t-il.

Photovoltaïque, bois-énergie et autoconsommation

L’énergie ne s’arrête pas au gaz. La ferme produit aussi de l’électricité grâce au photovoltaïque, installé sur les toitures des bâtiments d’exploitation. Une partie est autoconsommée, l’autre réinjectée dans le réseau. “On a aussi une diversification avec de la plaquette de bois, issue de nos forêts, qui alimente des réseaux de chaleur”, Sylvain Pimont. L’exploitation est en effet située sur le territoire du Parc Naturel Régional de la Brenne.

Si une petite fraction de l’énergie sert à chauffer la ferme et les habitations, l’essentiel est redistribué localement. Pour l’agriculteur, produire de l’énergie à l’échelle rurale n’est pas une option : c’est une nécessité. “On consomme tous beaucoup d’énergie. Autant essayer d’en autoproduire et d’en autoconsommer. Et comme on est capable d’en faire plus que ce que l’on utilise, autant réintégrer le surplus dans le réseau du territoire”, explique-t-il.

Un modèle reproductible, mais exigeant

Ce modèle intégré ne prétend pas s’imposer à tous. Mais il montre une voie possible, notamment dans des zones agricoles de taille moyenne. “Ce n’est pas un modèle exclusif, il peut accompagner d’autres modèles plus petits. C’est par là qu’on peut viser une autonomie énergétique des territoires”, affirme Sylvain Pimont.

Cela dit, il reconnaît que la méthanisation est un vrai défi. “C’est un projet complexe, avec une part de risque. J’ai consulté pas mal de collègues avant de me lancer, ce qui m’a permis d’éviter certaines erreurs”, confie-t-il. Pour lui, la clé est de rester proportionné. “Le facteur clé de réussite, c’est d’avoir un projet bien dimensionné par rapport à la taille de la ferme, bien intégré dans le tissu local, avec les voisins, les communes.”

Vers un territoire énergétiquement attractif ?

Avec cette vision à long terme, Sylvain Pimont espère contribuer à faire émerger une dynamique territoriale. À l’échelle de l’agglomération, il imagine un avenir où l’énergie locale deviendra un levier d’attractivité économique. “Si on regarde à 20 ans, je pense que notre territoire sera un gros producteur d’énergie. Ça va intéresser des industriels qui cherchent à bénéficier d’énergies renouvelables. Ce sera une vraie force pour la région”, conclut-il.

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