Déchiffrer  > Armonia, 33 ans et candidate aux municipales : « On peut se lancer sans expérience »

Written by 10 h 33 min Déchiffrer

Armonia, 33 ans et candidate aux municipales : « On peut se lancer sans expérience »

Depuis un an, le collectif Tous Élus forme des jeunes pour qu’ils se présentent aux Municipales, pour réconcilier les citoyens avec la politique, qu’elle devienne l’affaire de tous. Rencontre avec Armonia Pierantozzi, 33 ans, deuxième sur la liste EELV aux Lilas, en banlieue parisienne.

Le 21/02/2020 par Sofia Colla
L'équipe en train de distribuer des tracts. (Crédit : DR)
L'équipe en train de distribuer des tracts. (Crédit : DR)

N’avoir aucune expérience en politique et se présenter aux élections municipales. Selon le collectif Tous Élus, c’est possible. Tout le monde peut s’impliquer sur son territoire et même devenir maire.
 
Nous vous en parlions déjà début 2019. L’association, fondée par une dizaine de citoyens ayant entre 20 et 30 ans, avait initialement pour objectif de former et d’accompagner des jeunes jusqu’aux élections municipales. Au programme : des cours en ligne, un serious game, des conférences et des week-ends pour rencontrer des experts… Et tout cela gratuitement. Finalement, ce sont plus de 3 500 citoyens d’âges variés (la moyenne étant d’environ 30 ans) qui ont été coachés par Tous Élus, dont environ 300 se présentent finalement aux élections.

C’est le cas d’Armonia Pierantozzi, 33 ans, candidate en deuxième position sur la liste Europe Écologie Les Verts (EELV) aux Lilas, en banlieue parisienne. Italienne, s’est installée en France en juin 2013. « J’ai déposé mon dossier de naturalisation hier, j’espère l’avoir bientôt », confie-t-elle, même s’il n’est pas nécessaire d’avoir la nationalité française pour s’engager aux municipales ou aux européennes. Les ressortissants de l’Union Européenne peuvent être élus, mais uniquement en position de conseiller.  
 
Globe-trotteuse, Armonia a vécu à Bruxelles, en Argentine, à Berlin ou encore au Luxembourg. Cela ne fait que deux ans qu’elle s’est installée aux Lilas. « Les autres têtes de liste sont là depuis toujours. Au début, je me suis posée la question de ma légitimité. Et puis je me suis dis ‘aujourd’hui, tu es là, donc tu agis où tu es’. Si j’attends d’avoir passé 20 ans sur un même territoire, je ne ferai jamais rien !. »

Un passage à La Bascule

Jusqu’ici, cette économiste de formation s’est surtout engagée à travers ses choix professionnels: « J’ai toujours travaillé dans des projets à impact, j’aurais pu gagner beaucoup plus d’argent si je voulais », s’amuse-t-elle.

C’est après un été à Pontivy, au sein de l’organisation La Bascule, qu’elle se lance. « Je suis rentrée aux Lilas en septembre avec trois objectifs : m’impliquer pour les municipales, me mettre à mon compte et me former à la facilitation et à l’intelligence collective, ce que j’avais déjà commencé à faire à Pontivy ». C’est là qu’on lui donne un contact chez EELV aux Lilas.
   

« J’ai été honnête, je leur ai dit que j’aimerais bien donner un coup de main mais que je n’avais jamais fait de politique de ma vie ! »

   
Contrairement à ce qu’elle pensait, elle s’aperçoit que les candidats ne se bousculent pas. Très rapidement, elle se retrouve donc en deuxième position sur la liste.
   

« L’ancienne génération des Verts est en train de se retirer. Ils nous ont proposé de prendre la relève. Je suis contente d’avoir eu l’inconscience de le faire. Si j’avais su le temps que cela demande, j’y aurais peut-être pensé davantage ! » avoue-t-elle en souriant. 

    
C’est aussi à la Bascule qu’elle découvre Tous Élus. « Beaucoup d’acteurs locaux engagés sont passés nous voir : Daniel Cueff, le maire de Langouët qui se bat contre les pesticides Damien Carême Tristan Rachid , qui fait partie de la première liste citoyenne à avoir gagné les élections en 2014. Des collectifs comme Démocratie ouverte La Belle Démocratie et Tous Élus ».

Une formation en ligne « assez simple »

En revenant de Pontivy, elle décide de commencer la formation en ligne.« C’est assez simple, donc cela ne m’a pas découragé. Il y a plusieurs modules, avec à chaque fois des exercices, à propos des comptes de campagne, l’écriture d’un programme, le planning de communication… Puis, on m’a attribué un mentor, que je peux appeler dans les moments charnières. J’ai aussi assisté à des webinaires, sur divers thèmes, avec des questions/réponses en direct ». Au total, Armonia a passé une dizaine d’heures à se former via le programme de Tous Élus, en septembre et octobre, puis a continué sur le terrain avec le reste de son équipe.
 
Par la suite, la campagne s’est déroulée en deux étapes. « De l’automne à la fin du mois de décembre, nous avons défini les thèmes sur lesquels nous voulions avancer, assez basiques : l’alimentation, la mobilité, la transition énergétique… Nous avons fait un bilan de la situation actuelle, nous avons échangé avec des experts et nous avons fait les premières réunions publiques. C’était très intéressant mais aussi frustrant car il n’y avait que les convaincus qui venaient au début. »
   

« On a aussi commencé à distribuer les tracts sur les marchés. C’est un travail infini. Dans notre campagne, environ 70 % du budget part en impression ! »

 
« ’Cétait un peu tôt pour les citoyens », constate-t-elle. « Ce n’est qu’après Noël que les élections se sont invitées dans les conversations ». C’est d’ailleurs au début de l’année que l’équipe a publié le programme. Aujourd’hui, elle doit finaliser la liste, à déposer avant la fin du mois et qui doit comporter 35 noms.

Prendre le temps

Finalement, Armonia s’est aussi formée à travers les rencontres qu’elle a pu faire sur le tas, d’anciens élus ou des experts.
 
« Pour porter une campagne, il faut avoir l’envie et le temps. Vraiment beaucoup de temps ». Son statut d’indépendante lui a permis de s’engager à fond jusqu’aux élections, mais subvenir à ses besoins pendant la campagne nécessite d’avoir des ressources financières, reconnait-elle.
 
Ses conseils à ceux qui, comme elle, souhaiteraient s’engager : aller à la rencontre des partis. « À l’échelle locale, la personnalité de la tête de liste compte beaucoup. Il faut partir de l’idée que les listes ont besoin de monde. Lancez-vous ! ».
 
Pour elle, se présenter est un moyen de casser la barrière entre les citoyens engagés et les politiques. « J’ai plutôt une expérience de militante. Je suis entrée en politique parce que si toutes les personnes qui partagent mes valeurs sont dans la rue et dans l’opposition, on ne va jamais y arriver. J’aimerais que les militants aient envie de passer un peu de l’autre côté ».
 
Mais faire de la politique n’est pas un objectif en soi pour Armonia. « La municipalité, et pourquoi pas l’intercommunalité, est le seul échelon où je pense qu’il y ait un réel pouvoir d’action ».

A lire aussi :

  • Marseille, Lyon, Bordeaux… Butin record et position de force pour les écologistes

    Marseille, Lyon, Bordeaux… Butin record et position de force pour les écologistes

    Lyon, Marseille, Strasbourg, Bordeaux... Dimanche, lors du second tour des élections municipales, un nombre record de villes a été conquis par des listes écologistes. Quels sont les ressorts de cette "vague verte" ? Annonce-t-elle un changement durable dans le paysage politique local et national ? Analyse.
  • La « vague verte » des municipales peut-elle déferler sur les futures élections ?

    La « vague verte » des municipales peut-elle déferler sur les futures élections ?

    Strasbourg, Lyon et Bordeaux... Plusieurs grandes villes ont été conquises par les écologistes, dimanche, lors du second tour des élections municipales. Pour Daniel Boy, politologue et professeur à Sciences Po Paris, ces victoires sont le résultat d'un processus entamé lors des européennes de 2019. Un phénomène qui pourrait s'étendre aux régionales, mais plus difficilement à la présidentielle.
  • Des candidats à la mairie de Paris s’engagent contre Uber

    Des candidats à la mairie de Paris s’engagent contre Uber

    À travers la campagne #TrueCostOfUber, trois associations appellent les candidats à la mairie de Paris à s’engager contre la pollution des véhicules VTC ainsi que la politique sociale de leurs plateformes. Leur pétition en ligne a dépassé les 20 000 signatures.