Partager la publication "COP26 : les émissions de CO2 retrouvent leur niveau d’avant la pandémie"
La nouvelle devrait mettre encore un peu plus la pression sur la COP26. L’augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO2) des activités humaines d’origine fossile est provisoirement estimée à +4,9 % en 2021 par rapport à 2020. Elles se rapprochent donc du niveau de 2019, pour atteindre 36,4 milliards de tonnes de CO2. Soit le niveau pré-pandémie. C’est le constat de l’organisme scientifique Global Carbon Project, dévoilé ce jeudi.
Les chercheurs ont par ailleurs revu à la baisse l’effondrement des émissions de 2020. Elle est désormais évaluée à -5,4 %. Si les émissions ont lourdement chuté aux États-Unis et en Europe (entre -10 % et -11 %), ainsi qu’en Inde (-7,3 %), elles ont en revanche finalement légèrement augmenté en Chine (+1,4 %). Cette croissance a été « poussée par les secteurs de l’électricité et de l’industrie », précise le Global Carbon Project.
L’augmentation maximum envisagée pour 2021 est de +5,7 %. Un rebond finalement supérieur à la chute de 2020 n’est donc pas exclu. « L’utilisation du charbon et du gaz devrait augmenter davantage en 2021 qu’elle n’a baissé en 2020 », précisent les scientifiques. Les émissions dues au charbon augmenteraient de 5,7 %, celles du gaz de de 4,3 %.
« Retour vers l’économie fossile »
Également en hausse (+4,4 %), les émissions dues au pétrole ne rattrapent cependant pas leur baisse de 2020, consécutive à l’arrêt des transports routiers et aériens. Mais une nouvelle augmentation des émissions en 2022 « ne peut être exclue si le transport routier et l’aviation reviennent aux niveaux antérieurs à la pandémie et si l’utilisation du charbon reste stable », explique l’équipe de recherche.
« Le rebond des émissions mondiales de CO2 d’origine fossile en 2021 reflète un retour vers l’économie fossile pré-covid. Les investissements dans l’économie verte prévus dans les plans de relance post-Covid de certains pays ont été insuffisants jusqu’à présent », commente Pierre Friedlingstein du Global Systems Institute d’Exeter en Angleterre, qui a dirigé l’étude. Pourtant, les énergies renouvelables « se sont bien tenues en 2020 ». Alors que le charbon, le pétrole et le gaz ont servi de « variable d’ajustement », complète Philippe Ciais, directeur de recherche au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE).
Pour l’objectif 1,5°C, les émissions devraient chuter lourdement tous les ans
Si on ajoute les émissions dues à la déforestation, les émissions de CO2 d’origine humaine s’élèvent au total, dans la dernière décennie, à 39,7 milliards de tonnes de CO2 par an en moyenne, précise également le Global Carbon Project. À ce rythme, la quantité d’émissions que l’humanité ne doit pas dépasser pour conserver au moins une chance sur deux de limiter le réchauffement à +1,5°C (420 milliards de tonnes), sera épuisée dans 11 ans, a-t-il calculé. Soit en 2032.
Atteindre la « neutralité carbone » implique donc « de réduire les émissions mondiales de CO2 d’environ 1,4 milliard de tonnes chaque année en moyenne », alerte Pierre Friedlingstein. Ce qui équivaut à une chute comparable à celle enregistrée en 2020 avec la crise de la covid… Mais de manière permanente jusqu’à la moitié du siècle ! Et plus le pic des émissions sera long à atteindre, plus la réduction des émissions devra ensuite être puissante, préviennent les chercheurs.
L’objectif des 1,5°C serait atteint, au mieux en 2040
Or, il faut également compter avec l’inertie propre au système climatique. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a déjà précisé, dans son dernier rapport publié en août, que les 1,5°C seraient atteints au mieux d’ici 2040, quels que soient les scénarios. Il faut également compter avec l’inertie du système économique mondialisé. La COP26 elle-même l’illustre en prouvant son incapacité actuelle à trancher. À affirmer haut et clair que pour limiter les dégâts il est à l’évidence nécessaire d’engager, dès à présent, une marche forcée vers la sortie des énergies fossiles, « quoi qu’il en coûte », pour la survie de l’humanité. Ce que demandent du reste les manifestants présents à Glasgow. Et ceux qui manifesteront partout sur la planète le 6 novembre.
Elle est à ce jour nullement envisagée par les dirigeants du monde, sauf pour le charbon, sur le papier. Mais il est prévu que cette sortie soit « progressive ». Seulement à partir de 2030 pour les pays développés, et à partir de 2040 pour les pays en développement. C’est bien sûr un progrès, mais non suffisant pour atteindre les 1,5°C. De plus, en 2030, le budget carbone d’aujourd’hui (420 millions de tonnes à répartir de 2021 à 2032) sera en voie d’épuisement sans diminution radicale des émissions d’ici là…
À ce stade de la COP26, et des COP en général, l’objectif 1,5°C apparaît bel et bien caduc.
Quelques chiffres
Chine : + 4 % d’émissions de CO2 envisagés en 2021 par rapport à 2020. 10 668 millions de tonnes de CO2.
États-Unis : +7,6 %. 4713 millions de tonnes de CO2.
Union européenne : +7,6 %. 2 599 millions de tonnes de CO2.
Inde : + 12,6 %. 2 442 millions de tonnes de CO2.
Concentration atmosphérique de CO2 : les 415 parties par million (ppm) doivent être atteints en 2021. Augmentation: +2 ppm. Ce taux de croissance est plus faible que ces dernières années « en raison des conditions La Nina en 2021 », expliquent les scientifiques.