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COP26 : les émissions de CO2 retrouvent leur niveau d’avant la pandémie

Les émissions de CO2 rebondissent en 2021 vers le niveau atteint en 2019. Limiter le réchauffement à 1,5°C implique, selon Global Carbon Project, de suivre une courbe de diminution annuelle équivalente à celle de 2020 et de la pandémie, de l’ordre de 5°C à ce jour. Mission donc impossible au vu des derniers résultats de la COP26. Explications.

Le 04/11/2021 par Vincent Rondreux
À ce stade de la COP26, et compte-tenu du niveau des émissions mondiales, l'objectif 1,5°C apparaît bel et bien caduc.
À ce stade de la COP26, et compte-tenu du niveau des émissions mondiales, l'objectif 1,5°C apparaît bel et bien caduc. (Crédit : Shutterstock)
À ce stade de la COP26, et compte-tenu du niveau des émissions mondiales, l'objectif 1,5°C apparaît bel et bien caduc. (Crédit : Shutterstock)

La nouvelle devrait mettre encore un peu plus la pression sur la COP26. L’augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO2) des activités humaines d’origine fossile est provisoirement estimée à +4,9 % en 2021 par rapport à 2020. Elles se rapprochent donc du niveau de 2019, pour atteindre 36,4 milliards de tonnes de CO2. Soit le niveau pré-pandémie. C’est le constat de l’organisme scientifique Global Carbon Project, dévoilé ce jeudi.

Les chercheurs ont par ailleurs revu à la baisse l’effondrement des émissions de 2020. Elle est désormais évaluée à -5,4 %. Si les émissions ont lourdement chuté aux États-Unis et en Europe (entre -10 % et -11 %), ainsi qu’en Inde (-7,3 %), elles ont en revanche finalement légèrement augmenté en Chine (+1,4 %). Cette croissance a été « poussée par les secteurs de l’électricité et de l’industrie », précise le Global Carbon Project.

L’augmentation maximum envisagée pour 2021 est de +5,7 %. Un rebond finalement supérieur à la chute de 2020 n’est donc pas exclu. « L’utilisation du charbon et du gaz devrait augmenter davantage en 2021 qu’elle n’a baissé en 2020 », précisent les scientifiques. Les émissions dues au charbon augmenteraient de 5,7 %, celles du gaz de de 4,3 %. 

« Retour vers l’économie fossile »

Également en hausse (+4,4 %), les émissions dues au pétrole ne rattrapent cependant pas leur baisse de 2020, consécutive à l’arrêt des transports routiers et aériens. Mais une nouvelle augmentation des émissions en 2022 « ne peut être exclue si le transport routier et l’aviation reviennent aux niveaux antérieurs à la pandémie et si l’utilisation du charbon reste stable », explique l’équipe de recherche.

« Le rebond des émissions mondiales de CO2 d’origine fossile en 2021 reflète un retour vers l’économie fossile pré-covid. Les investissements dans l’économie verte prévus dans les plans de relance post-Covid de certains pays ont été insuffisants jusqu’à présent », commente Pierre Friedlingstein du Global Systems Institute d’Exeter en Angleterre, qui a dirigé l’étude. Pourtant, les énergies renouvelables « se sont bien tenues en 2020 ». Alors que le charbon, le pétrole et le gaz ont servi de « variable d’ajustement », complète Philippe Ciais, directeur de recherche au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE).

Pour l’objectif 1,5°C, les émissions devraient chuter lourdement tous les ans

Si on ajoute les émissions dues à la déforestation, les émissions de CO2 d’origine humaine s’élèvent au total, dans la dernière décennie, à 39,7 milliards de tonnes de CO2 par an en moyenne, précise également le Global Carbon Project. À ce rythme, la quantité d’émissions que l’humanité ne doit pas dépasser pour conserver au moins une chance sur deux de limiter le réchauffement à +1,5°C (420 milliards de tonnes), sera épuisée dans 11 ans, a-t-il calculé. Soit en 2032.

Atteindre la « neutralité carbone » implique donc « de réduire les émissions mondiales de CO2 d’environ 1,4 milliard de tonnes chaque année en moyenne », alerte Pierre Friedlingstein. Ce qui équivaut à une chute comparable à celle enregistrée en 2020 avec la crise de la covid… Mais de manière permanente jusqu’à la moitié du siècle ! Et plus le pic des émissions sera long à atteindre, plus la réduction des émissions devra ensuite être puissante, préviennent les chercheurs.

L’objectif des 1,5°C serait atteint, au mieux en 2040

Or, il faut également compter avec l’inertie propre au système climatique. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a déjà précisé, dans son dernier rapport publié en août, que les 1,5°C seraient atteints au mieux d’ici 2040, quels que soient les scénarios. Il faut également compter avec l’inertie du système économique mondialisé. La COP26 elle-même l’illustre en prouvant son incapacité actuelle à trancher. À affirmer haut et clair que pour limiter les dégâts il est à l’évidence nécessaire d’engager, dès à présent, une marche forcée vers la sortie des énergies fossiles, « quoi qu’il en coûte », pour la survie de l’humanité. Ce que demandent du reste les manifestants présents à Glasgow. Et ceux qui manifesteront partout sur la planète le 6 novembre.

Elle est à ce jour nullement envisagée par les dirigeants du monde, sauf pour le charbon, sur le papier. Mais il est prévu que cette sortie soit « progressive ». Seulement à partir de 2030 pour les pays développés, et à partir de 2040 pour les pays en développement. C’est bien sûr un progrès, mais non suffisant pour atteindre les 1,5°C. De plus, en 2030, le budget carbone d’aujourd’hui (420 millions de tonnes à répartir de 2021 à 2032) sera en voie d’épuisement sans diminution radicale des émissions d’ici là…

À ce stade de la COP26, et des COP en général, l’objectif 1,5°C apparaît bel et bien caduc.

Quelques chiffres

Chine : + 4 % d’émissions de CO2 envisagés en 2021 par rapport à 2020. 10 668 millions de tonnes de CO2.

États-Unis : +7,6 %. 4713 millions de tonnes de CO2.

Union européenne : +7,6 %. 2 599 millions de tonnes de CO2.

Inde : + 12,6 %. 2 442 millions de tonnes de CO2.

Concentration atmosphérique de CO2 : les 415 parties par million (ppm) doivent être atteints en 2021. Augmentation: +2 ppm. Ce taux de croissance est plus faible que ces dernières années « en raison des conditions La Nina en 2021 », expliquent les scientifiques.

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