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Élections législatives : quelle place pour la société civile ?

Entre marketing politique et volonté réelle de renouveler la vie politique, quelle place la société civile va-t-elle occuper aux prochaines législatives ?

Le 08/06/2017 par WeDemain
Le programme du parti pirate en quelques mots (Crédit : journaldugeek.com)
Le programme du parti pirate en quelques mots (Crédit : journaldugeek.com)

Alors que 75 % des Français estiment que les responsables politiques sont « plutôt corrompus » et que 40 % éprouvent de la « méfiance » à leur égard (selon le baromètre CEVIPOF de janvier 2017), des mouvements tels que La République En Marche (LREM), La France Insoumise, ou encore le collectif de citoyens Ma Voix, tentent de répondre, chacun à leur manière, au désaveu qui frappe la classe politique traditionnelle en présentant des candidats issus de la « société civile » aux prochaines élections législatives.

La société civile selon Macron

Au sein de la République En Marche !, on définit cette expression comme les « personnes n’ayant jamais effectué de mandat politique ». Bien que très large, cette définition permet au nouveau président d’assurer sa volonté de renouvellement du corps politique, en intronisant des candidats vierges de toute expérience politique.

Parue le 17 mai, la liste définitive des candidats LREM aux élections législatives inclut 52 % de candidats (soit 197) n’ayant jamais exercé de mandat électif. La volonté d’Emmanuel Macron est d’investir des citoyens vierges de toute expérience politique mais experts dans leur domaine respectif, à l’image du mathématicien Cédric Villani ou du juge Eric Halphen.
   
Le président cherche ainsi à exaucer sa promesse d’injecter du sang neuf. Si l’on s’en tient à la définition large que ce dernier propose pour la société civile… Car les candidats LREM étiquetés « d’origine citoyenne » restent loin de représenter la société civile dans son ensemble, analyse Mediapart.

S’ils sont majoritairement jeunes et en effet vierges de toute expérience politique, les candidats LREM « issus de la société civile » demeurent une représentation élitiste de cette dernière : chefs d’entreprise, PDG, créateurs de start-up et patrons de TPE/PME en tête. En revanche, les ouvriers et les employés, qui représentent 50 % de la population active, sont quasiment-absents de la liste LREM.
 

« Un monde de gens qui vont plutôt bien, voire très bien, à l’image du noyau des électeurs d’Emmanuel Macron », résume Médiapart.

Gautier Pirotte, professeur à l’université de Liège, en Belgique, auteur de La notion de société civile (éditions La Découverte, 2008), précise dans Libération que, même si ces acteurs ne sont pas issus de la classe politique traditionnelle, « Ils risquent de reproduire les mêmes comportements qui étaient reprochés aux membres du sérail politique, car ils sont issus des mêmes écoles et des mêmes milieux sociaux. »

La France Insoumise, une vision plus large de la société civile

Depuis la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon se revendique également candidat de la « société civile », sur laquelle il compte s’appuyer pour confirmer son score de l’élection présidentielle (19,58 %). Là encore, c’est la notion de virginité politique qui prévaut. 60 % des candidats de la France Insoumise porteront cette étiquette : 90 % n’ont jamais été candidats et 63 % n’ont jamais été membres d’un parti politique.

Parmi les 560 candidats investis, on trouve des personnalités telles que Juan Branco, conseiller juridique de Wikileaks, Leïla Chaibi, cofondatrice du collectif Jeudi Noir, le journaliste François Ruffin, réalisateur du documentaire Merci Patron, l’humoriste Gérald Dahan ou encore la championne du monde de kick-boxing, Sarah Soilihi.

Sur le site de la France Insoumise, on peut voir qu’une centaine d’entres eux sont issus du secteur éducatif, 103 font parti d’un syndicat et plus de 150 sont engagés dans une association. A noter également que 15 candidats sont ouvriers, 15 sont des travailleurs sociaux et une dizaine sont des agriculteurs. Le reste du contingent est constitué par des candidats du secteur privé, par les professions intermédiaires et par quelques étudiants.

Cependant, même si on retrouve quelques candidats issus du monde ouvrier et agricole dans les rangs des insoumis, la proportion reste assez faible et reste très proche du pourcentage du nombre de candidats ouvriers sur le nombre de candidats total (1,75 % selon Le Monde.)

Ma Voix : la démocratie directe à l’essai

Né en septembre 2015, Ma Voix est un collectif de citoyens sans étiquettes qui souhaite expérimenter une forme de démocratie directe, en tirant au sort ses candidats aux législatives. Simples porte-paroles, ils s’engagent, en cas d’élection, à voter les lois en fonction des décisions du mouvement, prises collectivement par internet.
 

« Par exemple, si 20 % des Français votent pour un projet de loi et 80 % contre alors que nous avons cinq députés élus, l’un d’entre eux devra voter pour et les quatre autres contre », explique une jeune femme au Figaro, à l’occasion d’une présentation du mouvement à Paris.

Le but de Ma Voix est ainsi de faire entrer « les citoyens et les citoyennes » à l’assemblée Nationale, de la « hacker », pour reprendre les mots du mouvement.

Ce principe a déjà été expérimenté en mai 2016, lors d’une élection législative partielle à Strasbourg. Le candidat Ma Voix était alors arrivé en septième position sur quatorze candidats avec 4,25 % des suffrages.

Le mouvement présente 86 candidats aux législatives de juin, dans une quarantaine de circonscriptions. Ces derniers, dont la liste est disponible en ligne, ont été tirés au sort parmi 500 volontaires. En amont de ce tirage au sort, des débats ouverts ont eu lieu au sein de la plateforme afin de définir la stratégie du mouvement.
 

Le parti pirate met le cap sur les législatives

Crée en 2006 en Suède par Rick Falkvinge, le Parti Pirate souhaite dépasser le clivage droite gauche afin de favoriser une politique de compromis, notamment en replaçant le citoyen au centre de l’hémicycle politique.

Pour cela, les Pirates s’appuient sur un fonctionnement horizontal afin de permettre à chacun de soumettre ses idées et de les faire voter si les candidats parviennent au pouvoir. Ils aspirent à en finir avec la Ve République, qui conduit trop souvent selon eux à voter « bonnet blanc » ou « blanc bonnet ».
 
« Chez les pirates, il n’y a pas de chef, chacun peut apporter quelque chose, sur le modèle associatif. » déclarait Thomas Watanabe-Vermorel, porte parole du parti Pirate dans CNews Matin .
 
En 2012, cent-un candidats du parti pirate s’étaient présentés dans vingt-cinq circonscriptions en France, obtenant alors plus de 1% des suffrages. Pour les législatives à venir, l’objectif des Pirates est d’atteindre la barre des soixante-quinze candidats : ils en comptent pour le moment une dizaine et enregistrent cent-trente candidatures déclarées.

Les outsiders

Chaque élection semble constituer une opportunité pour les groupes d’intérêts, les lobbys ou toute autre organisation, pour faire adhérer la société à leur valeur ou leur combat. Et les législatives ne dérogent pas à la règle : parmi la mosaïque politique composée des 7 882 candidats, des mouvements citoyens s’organisent pour défendre des causes aussi diverses et variées tel que le droit des animaux (Parti animaliste), la reconnaissance du vote blanc (Tous Pour Rire, Parti du Vote blanc) l’hédonisme (le Parti du plaisir de l’ex strip-teaseuse Cindy Lee) ou encore la jeunesse (Allons Enfants).

Un vent citoyen va-t-il souffler sur l’Assemblée Nationale ? Rendez-vous le 18 juin prochain pour le savoir.

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