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Les négociations de la COP26 noyautées par les énergies fossiles

Le premier « brouillon » de la décision finale de la COP26 ne mentionne pas les énergies fossiles et leur responsabilité évidente dans le réchauffement. Un « oubli flagrant » dénonce Greenpeace tandis que le pétrole, le charbon et le gaz ont pléthore de « négociateurs » infiltrés à Glasgow, selon Global Witness.

Le 09/11/2021 par Vincent Rondreux
Des centaines de lobbyistes des énergies fossiles seraient infiltrés à la COP26.
Plus de 500 lobbyistes des énergies fossiles seraient infiltrés à la COP26. (Crédit : Shutterstock)
Plus de 500 lobbyistes des énergies fossiles seraient infiltrés à la COP26. (Crédit : Shutterstock)

La premier « brouillon » de la déclaration finale de la COP26 a été publié dimanche par la CCNUCC (1), organe des Nations unies, dans un grand silence. Malgré les nombreuses promesses de la semaine passée, il « oublie » le charbon, le pétrole et le gaz. Il ne « reconnaît même pas que les énergies fossiles sont le moteur de la crise climatique », dénonce Greenpeace.

Ce « draft » servant de guide aux négociateurs souligne pourtant « l’urgence d’agir pour maintenir les 1,5°C en vie ». Il affirme que nous sommes dans une « décennie critique pour atteindre les objectifs de Paris en matière d’atténuation, d’adaptation et de financement ». Il remercie le Groupe d’experts international sur l’évolution du climat (GIEC) pour avoir alerté le monde avec son rapport 2021. De plus, il évoque « l’importance d’écouter la science ». Il veut « accélérer les efforts jusqu’en 2030 et harmoniser les cibles à court et à long terme ». Il demande également aux pays qui n’ont pas encore soumis d’engagements « renforcés » de le faire en 2022.

Mais « pour maintenir l’objectif de 1,5°C en vie, il faut ajouter quelques mots », clame Jennifer Morgan, directrice exécutive de Greenpeace International : « l’élimination progressive des combustibles fossiles ».

Une première version de la décision finale « exceptionnellement faible »

Une telle annonce serait en effet cohérente avec l’alerte « rouge » du GIEC citée par ce « brouillon ». Avec le consensus international sur « l’urgence » de la situation. Avec les déclarations de l’Agence internationale de l’Energie (AIE), pourtant jusqu’alors gardien de l’or noir, mais qui demande de ne plus investir dans les énergies fossiles. Ou encore avec les propos du chef de l’ONU pour qui « nous devons passer d’urgence des combustibles fossiles aux énergies renouvelables ». Et avec les données du Global Carbon Project qui illustrent l’ampleur de la tache à accomplir.

Pour que l’humanité se mette sur les rails des 1,5°C, les émissions de gaz à effet de serre doivent en effet selon elles diminuer chaque année de l’ordre de la chute subie en 2020 à cause de la pandémie. Soit environ 4 % au niveau mondial, et 6-7 % dans les pays riches. Tous les ans pendant au moins trente ans, jusqu’à la « neutralité carbone » !

« Ce qui est très préoccupant ici à Glasgow, c’est que cette première version du texte du pacte climatique est déjà exceptionnellement faible. Habituellement, le texte commence avec une certaine ambition, avant de la diluer », commente Jennifer Morgan. La COP de Glasgow fera-t-elle l’inverse, en renforçant dans la semaine ses objectifs ?

Des représentants des énergies fossiles qui participent aux pourparlers

Beaucoup risquent d’en douter. L’ONG Global Witness a révélé qu’environ 500 lobbyistes du charbon, du pétrole et du gaz sont présents dans les couloirs de la COP26. Une « délégation » non officielle plus importante que celle d’aucun pays.

« Nous avons repéré des délégués de plus de 100 entreprises de combustibles fossiles qui ont déclaré ouvertement leur affiliation. Ils participent aux pourparlers dans le cadre de délégations de pays ou de groupes d’affaires. Exemple, un délégué sur huit des trois cents membres de la délégation russe provenait de l’industrie des combustibles fossiles. Des lobbyistes faisaient également partie des délégations officielles du Canada et du Brésil », détaille l’ONG. De plus, « les entreprises de combustibles fossiles sont profondément ancrées dans certains groupes d’affaires et associations commerciales qui font du lobbying à la COP.«  Par exemple pour la compensation carbone.

« L’industrie des combustibles fossiles a passé des décennies à induire le public en erreur au sujet des changements climatiques. Et à attiser le déni. Son modèle économique dépend toujours de la vente de produits polluants. Les mesures appropriées contre la crise climatique menacent ses profits. Les lobbyistes des combustibles fossiles ne devraient tout simplement pas avoir leur place dans les négociations sur le climat », estime Global Witness. Comme l’industrie du tabac dans les accords sur la santé.

Citant l’Australie et l’Arabie Saoudite, pays pourtant convertis à la « neutralité carbone », Greenpeace International appelle de son côté les négociateurs « à tenir tête aux pays producteurs de combustibles fossiles qui paralysent l’ambition dans les négociations à Glasgow« . Ambiance.

(1) Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques.

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