La génération « co » prépare l’avenir au OuiShare Fest

Qu’est ce qui relie le PDG de Blablacar, un cyberpunk espagnol et le philosophe Bernard Stiegler ? Réponse : l’économie collaborative. Avec beaucoup d’autres, ces trois là se sont réunis du 5 au 7 mai dans le décor boisé du Cabaret Sauvage, au Parc de la Villette, à Paris. Co-workers, co-voitureurs, co-designeurs, mais aussi crowd-funders, théoriciens et simples curieux se sont donné rendez-vous au OuiShare Fest, le premier festival – ou la plus grande fête, c’est selon les heures – dédiée à ce mouvement en Europe.
« Un nouveau modèle de production et de consommation horizontal,
qui s’appuie sur des communautés connectées »

L’événement n’en est qu’à sa deuxième édition. Inconnue il y a cinq ans, l’économie collaborative progresse aujourd’hui un peu partout dans le monde, à raison de 25 % de croissance par an. Le magazine américain Forbes estime son poids à 3 milliards d’euros en 2013. Certains la définissent comme le fait de préférer l’usage et le partage d’un objet ou d’un lieu à sa possession. D’autres parlent d’un changement structurel dans notre manière de « faire société », rendu possible par le numérique. De « la naissance d’un nouveau modèle de production et de consommation horizontal, qui s’appuie sur des communautés connectées », selon Rachel Bostman, l’auteure du livre culte Ce qui est à moi est à vous : la montée de la consommation collaborative, qui a listé les fondements de cette nouvelle société en ouverture de l’événement.

Voir notre entretien avec Rachel Bostman, réalisé lors du OuiShare Fest : « La confiance sera la nouvelle monnaie du XXIe siècle »
 
Communautés connectées 
 
Parmi les têtes d’affiches, on croise aussi Michel Bauwens, théoricien belge du pair-à-pair, Neal Gorenflo, fondateur du magazine américain Shareable ou Lisa Gansky, auteure de Why the Future of Business is Sharing (Pourquoi l’avenir du business est le partage). À coté de ces « penseurs », bon nombre d’entreprises s’expriment sous le chapiteau : Uber (covoiturage), Airbnb (location d’appartements ou de maisons entre particuliers), Kisskissbankbank (financement participatif), Mutinerie (co-working), La ruche qui dit Oui ! (achat groupé aux petits producteurs et fermiers)…

Autour du Cabaret, des tentes abritent des débats, ateliers et – bien évidemment – de la co-création. On peut s’y initier à la programmation de cartes informatiques open-source Arduino ; scier et poncer des panneaux de bois pour fabriquer des meubles ou des ruches d’abeilles dont les plans ont été téléchargés sur le site OpenDesk ; parler production décentralisée, nouvelles communautés, tourisme connecté, ou démocratie participative ; s’initier au Co-opoly, l’anti-monopoly où « tout le monde gagne ou tout le monde perd ». Le tout sous une météo parfois capricieuse et au rythme de la techno du Solar Sound System, une sono écolo alimentée par panneaux solaires ou dynamo. Et dans toutes les langues !
 
Succès croissant
 
« On a rassemblés 1 000 participants venus d’une trentaine de pays, se félicite Benjamin Tincq, cofondateur du collectif OuiShare, qui organise l’événement : il y a là des entreprises, des porteurs de projets, des écrivains, des chercheurs, des « makers ». Pour Edwin Mootoosamy, autre co-fondateur, cette deuxième édition témoigne du dynamisme de l’économie collaborative. « L’année dernière, très peu de médias s’y intéressaient. Aujourd’hui, « Le Monde », « Rue 89 », « La Tribune », « BFM » ou « Les Echos », ont fait le déplacement ! »

Vidéo : Interview de Benjamin Tincq, cofondateur du collectif OuiShare © Marlène Haberard

Témoignage de l’écho croissant que rencontre le mouvement parmi les acteurs économiques « traditionnels », Castorama, Orange et La Poste sponsorisent l’événement. Et tiennent à le faire savoir : chez « Casto », on juge ainsi que l’économie collaborative va impacter tous les secteurs. Et l’on se positionne « du coté des bricoleurs, des fab labs, et de tous ceux qui participent à la réappropriation citoyenne et collaborative de la production », explique Véronique Laury, directrice du groupe, invitée à s’exprimer sur scène en anglais.
Chez « Casto », on juge que l’économie collaborative va impacter
tous les secteurs

Durant son troisième jour, le festival s’ouvre au public, avec différents évènements satellites. Les OuiShare Awards, un concours de projets, récompensent Copass, le pass unique donnant accès à tous les espaces de co-workings et autre tiers-lieux. La « Sharing Fair » permet d’entrer en contact avec des porteurs de projets innovants et de participer à des jobs-datings auprès de certaines start-ups de l’économie collaborative. Enfin, la OuiShare Love Party invite tous les participants à danser jusqu’au petit matin sur la de la techno « chamanique », pour clore l’édition.
 
« Génération co » ?
 
De qui la « génération co » est-elle le nom ? De Morgane, déçue par ses études en école de commerce, qui voit dans l’économie collaborative et sa nébuleuse de start-ups une « façon plus intelligente de mettre ses cours à profit que de finir dans la finance ». De Jay, qui vit dans un camion et parcourt la France pour aider les particuliers à monter leurs propres éoliennes et devenir producteurs d’énergie. De Pierre-Dimitri, jeune manager de Uber France, engagé dans une guerre législative contre les taxis qui contestent le droit aux particuliers de devenir chauffeurs. De Hans, qui gère un site d’échange d’objets entre particuliers, venu de San Francisco pour participer au festival en tant que bénévole.

Personne ne parle ici du grand soir. Mais tous partagent la conviction qu’il est possible de consommer, de produire, ou plus généralement d’être ensemble différemment. « Le OuiShare Fest est un endroit génial, où s’invente le monde de demain », s’enthousiasme Armel Le-Coz, fondateur du collectif Démocratie Ouverte, qui promeut des formes de gouvernance participatives. Il rentre d’une tournée des mairies de France et veut en tirer un livre de propositions pour cheminer vers une démocratie plus ouverte et transparente. « J’ai l’impression qu’on vit la transition entre une société de la concurrence et une société de la collaboration. »
« Le OuiShare Fest est un endroit où s’invente le monde de demain »

Le périmètre de l’économie collaborative est mouvant. Pas un mois sans qu’une nouvelle start-up ou un nouveau projet ne vienne redessiner ses contours. Se balader au OuiShare Fest, c’est rencontrer la diversité de ces communautés le plus souvent connectées virtuellement et qui se voient agrégées, pendant trois jours, dans un espace physique. « Les premiers retours que nous font les participants ne portent pas tant sur le contenu des conférences, que sur le plaisir de rencontrer en chair et en os des gens aussi divers qu’intéressants, raconte Benjamin Tincq. On a vraiment envie que le OuiShare Fest devienne le rendez vous annuel de toute cette communauté. » Cela semble bien parti pour.
 

Côme Bastin
Journaliste We Demain
Twitter : @Come_Bastin

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