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Facebook veut une « Cour suprême » pour modérer ses contenus

Le 02/07/2019 par Romane Brisard
(Crédit : Wikimedia)
(Crédit : Wikimedia)

Après avoir annoncé le lancement de sa cryptomonnaie le « Libra », l’empire Facebook pourrait créer une sorte de « cour de justice » internationale qui soulève de nombreuses questions.

La volonté de lancer une instance chargée de trancher les litiges liés aux contenus modérés sur Facebook a été évoquée dès 2018 par la firme, puis développée jeudi 27 juin dans un rapport de 44 pages à l’issue de moult réunions réunissant des experts du monde entier.

Propos malveillants, interférences politiques, images violentes en live…. Une meilleure modération des contenus du réseau social est réclamée depuis longtemps à Facebook. La multinationale a déjà recruté 30 000 modérateurs, mais des cas restent problématiques, par exemple des publications supprimées abusivement.

D’où l’idée d’instaurer une sorte de cour d’appel internationale pour trancher ces litiges. Une cour dont les pouvoirs et l’organisation interrogent.
 

Un pouvoir supranational ?

Pour garantir son indépendance, Facebook propose que ses 40 futurs membres ne soient pas issus de l’entreprise ni payés directement par elle mais via un « trust », une structure externe financée par la firme. Elle serait composée « d’experts avec des expériences différentes », issus de tous les pays et renouvelés tous les trois ans. Mais comment ces experts pourront-ils comprendre le contexte local d’un pays s’ils ne sont qu’une poignée par continent ?

Surtout, il y a confusion sur les termes employés par la multinationale.  Alors que Mark Zuckerberg évoquait une sorte de « Cour Suprême » au média Vox en 2008, dans ce rapport, l’instance juridique est présentée comme un simple « conseil de surveillance » – Oversight board »  en anglais. Plus loin, on apprend pourtant que l’organe pourrait délivrer un « jugement final sur ce que devrait être un discours acceptable ».

Alors, qui du comité Facebook ou de la justice nationale aura le dernier mot en cas de conflit ? Le réseau social, acteur privé, bénéficiera-t-il indirectement d’un pouvoir supranational ?

Régulateur ou modérateur ?

Interrogées par France Culture, plusieurs personnalités ont confié leur interprétation de ce projet de « Cour Suprême Facebook ». Pour Cédric O, secrétaire d’État en charge du numérique, elle « ne va pas venir remplacer la justice des États-Unis ou de France« . Ces pays pourraient même punir le réseau social en cas de jugements abusifs, selon ses propos.

Isabelle Falque Pierrotin, Conseillère d’État et ancienne présidente de la CNIL, elle, parle d’une « ambiguïté coupable » ou « volontaire » de la part de Marck Zuckerberg qui décrit le dispositif comme une « Cour de Justice » alors qu’il s’agirait plutôt, selon elle, d’un système de « co-régulation » entre des juges « régulateurs » et les agents Facebook « modérateurs« .

Interrogé par Le Monde, un expert exprime un autre point de vue : pour lui, cette initiative de Facebook s’agirait simplement d’un « mouvement préventif pour éviter une régulation trop stricte par les gouvernements« , une façon de calmer la colère à son égard alors qu’un vote de la proposition de loi française AVIA sur la cyber-haine est prévu ce 3 juillet à l’Assemblée nationale.

Selon le New York Times , des précisions sur ce conseil de surveillance devraient être communiquées au mois d’août.

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