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Les nouveaux conseillers anti-Gafam de Joe Biden

Le nouveau président américain s’est entouré de personnalités critiques à l’égard des monopoles créés par les plateformes technologiques, comme Facebook ou Google. Mais qui sont ces conseillers anti-Gafam ?

Le 18/10/2021 par Alice Pouyat
Joe Biden a nommé à des postes clés plusieurs personnalités anti-Gafam.
Joe Biden a nommé à des postes clés plusieurs personnalités anti-Gafam. (Crédit : Shutterstock)
Joe Biden a nommé à des postes clés plusieurs personnalités anti-Gafam. (Crédit : Shutterstock)

Leur arrivée aux manettes ou dans les coulisses du pouvoir suscite de l’espoir chez tous ceux qui s’inquiètent du poids pris par les grandes entreprises de la tech incarnées par l’acronyme Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, et Microsoft). D’autant plus après les récents déboires de Facebook.

“C’est le signal que le mandat de Joe Biden correspond bien à un tournant après une présidence Trump où l’exécutif assurait qu’il n’y avait pas de problème de concurrence dans la tech,” analyse ainsi l’économiste Joëlle Toledano, auteure du livre Gafa : reprenons le pouvoir ! aux éditions Odile Jacob.

Voici les trois nouvelles voix du président américain, chargées de porter le complexe sujet de la régulation de cette industrie.

Lina Khan : l’anti-monopole

Âgée de seulement 32 ans, la professeure de droit de l’université de Columbia (New York) Lina Khan est devenue l’une des personnalités intellectuelles les plus en vue sur la question de la régulation des Gafam.

Encore étudiante, elle se fait remarquer, en 2017, après la rédaction d’un article. Dans Amazon’s Antitrust Paradox, elle s’interroge sur les conséquences du modèle d’Amazon sur le droit de la concurrence. Une notion importante dans le droit américain, destinée à faire respecter la compétition économique et empêcher la formation de monopoles. “Elle a été regardée de haut. Sa théorie, surnommée l’hipster antitrust, a été moquée”, relève Winston Maxwell, directeur d’études à Telecom Paris. 

Les idées de la jeune juriste ont depuis gagné en crédibilité. Lina Khan vient en effet d’arriver à la tête de la Federal Trade Commission, l’agence chargée de la protection des consommateurs. Une nomination surprise qui a été contestée par Amazon ou Facebook. “Pour Joe Biden, c’est une manière de dire aux géants de la tech : vous n’allez pas rigoler avec nous”, observe Winston Maxwell. “Mais ce n’est pas parce que vous avez nommé quelqu’un qui serait content d’utiliser l’arme atomique – ici un démantèlement des entreprises de la tech à l’origine de monopoles – que vous allez l’utiliser.”

“Pour Joe Biden, c’est une manière de dire aux géants de la tech : vous n’allez pas rigoler avec nous”

Tim Wu, Lina Khan, et Jonathan Kanter. Trois voix anti-Gafam, désormais écoutées.
Tim Wu, Lina Khan, et Jonathan Kanter. Trois voix anti-Gafam, désormais écoutées. (Crédit : Montage Wikimedia et Columbia Law School).

Tim Wu : Gafam et démocratie

Également juriste à l’université de Columbia, cet intellectuel démocrate rempile. Après avoir déjà été actif durant la présidence Obama, celui qui a popularisé le concept de neutralité du réseau rejoint à nouveau le conseil économique national. Une instance chargée de conseiller le président américain. Il y travaille désormais comme assistant spécial du président Biden pour la technologie et la politique de la concurrence. 

Un domaine où ses idées sont bien connues. Dans son ouvrage The Curse of Bigness, il s’inquiète des conséquences des grands monopoles sur la démocratie. Que ce soit les sociétés pharmaceutiques, les banques ou les géants de la tech. “Il a rafraîchi la vision du droit de la concurrence, signale Winston Maxwell. Son objectif ne serait pas seulement d’assurer des prix bas pour le consommateur, mais également de protéger la société dans son ensemble contre les méfaits des très grandes puissances économiques.” En intégrant des notions telles que la liberté d’expression, par exemple.

Mais impossible de savoir quelle sera sa réelle influence. ”On peut imaginer que Tim Wu n’est pas pour rien dans le décret présidentiel de juillet sur la concurrence économique. Mais cela n’est qu’une hypothèse”, souligne Joëlle Toledano.

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Jonathan Kanter : le spécialiste de l’antitrust

Moins connu du grand public et plus discret, cet avocat expérimenté est spécialisé dans l’antitrust. L’avocat a par exemple représenté de petites sociétés dans le cadre de litiges les opposant à Apple ou Google. Celui qui revendiquait être l’un des juristes de référence du droit de la concurrence dans le secteur des technologies avait lancé l’an passé son propre cabinet. Mais il devrait prochainement changer de fonction. Cet été, l’administration Biden a annoncé l’avoir choisi pour le poste stratégique de procureur général adjoint de la division antitrust du département de la Justice. Il vient d’être auditionné par la commission judiciaire du Sénat. Un préalable à sa future nomination. 

« Le chemin va être long pour que cela se traduise concrètement. »

Au fond, si l’on résume, avec ces différentes nominations, Joe Biden a montré ses cartes, résume Joëlle Toledano. C’est formidable, mais ce n’est que le début, car le chemin va être long pour que cela se traduise concrètement, même s’il s’agit d’un des sujets où les républicains et les démocrates sont le plus en phase pour dire qu’il y a bien un problème.”

Feu de paille ou révolution : il faudra donc attendre encore un peu pour voir l’ampleur réelle du virage pris par l’administration Biden face aux Gafam.

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