Partager la publication "Pendant le confinement, le mentorat a fait barrage au décrochage scolaire"
Qu’est-ce que le mentorat ? Plus que du simple soutien scolaire, selon l’Afev. Depuis trente ans, cette association reconnue d’utilité publique travaille main dans la main avec les établissements scolaires du REP (réseau d’éducation prioritaire) dans toute la France. Les enfants identifiés comme étant en situation de fragilité – sociale ou scolaire – par leurs professeurs peuvent bénéficier d’un accompagnement personnalisé de la part d’un étudiant bénévole, qui lui dédie quelques heures de son emploi du temps chaque semaine.
Chaque année, près de 8 000 enfants bénéficient de ce programme de mentorat. Une initiative qui semble porter ses fruits : 70 % des élèves concernés déclarent être plus motivés en cours depuis qu’ils reçoivent l’aide de leur mentor. Ils se révèlent également plus concentrés (61 %), plus intéressés (59 %), et plus enclins à prendre la parole (50 %). Les chiffres proviennent d’un sondage mené en 2019 par l’Afev et le cabinet d’étude Trajectoires-reflex.
Ce suivi personnalisé va au-delà du simple accompagnement scolaire : Les mentors sont aussi encouragés à élargir les pratiques culturelles de leurs jeunes élèves, en leur faisant découvrir de nouveaux lieux (bibliothèques, cinéma), livres, sports ou séries. Bref, les étudiants bénévoles deviennent plus que des professeurs au yeux des enfants mentorés. 55 % d’entre eux considèrent leur mentor comme un ou une amie, et 25 % le voient comme un grand frère ou une grande sœur.
La crise sanitaire aurait pu mettre un terme – même provisoire – à ce programme. Comment poursuivre cet accompagnement personnalisé en période de confinement, ou en respectant les règles barrières ? Comment exiger de familles déjà précaires qu’elles s’adaptent à l’enseignement numérique ?
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La familiarité entre les bénévoles et les familles accompagnées a de nouveau prouvé son utilité : “Nos étudiants connaissaient bien les familles, ils avaient leur numéro de portable… Ils ont pu les appeler et identifier lesquelles étaient sous-équipées”, raconte Eunice Mangado-Lunetta.
C’est ce qui a permis à l’Afev d’agir avec une grande rapidité. En l’espace de quelques semaines, 1 000 ordinateurs ont été distribués. Pour cette action de lutte contre la fracture numérique, l’association a reçu le soutien de la fondation Break Poverty et d’Emmaüs Connect, pour l’achat, le reconditionnement et l’installation des ordinateurs.
Bien sûr, l’accès à un ordinateur ne suffit pas pour enrayer le décrochage scolaire. “Il y a des gamins dont on a plus entendu parler”, regrette Eunice Mangado-Lunetta. Mais dans l’ensemble, la directrice des programmes estime que le mentorat a permis à plusieurs centaines de jeunes en difficulté de tenir bon. “Le lien très fort – même à distance – entre les élèves et leur mentor leur a permis d’éviter le décrochage.”
En effet, à l’échelle nationale, les effets de la crise sanitaires ont été rudes sur l’engagement scolaire des jeunes Français. 30 % des élèves en collèges REP et lycées professionnels se seraient désengagés de leur scolarité selon une enquête de Synlab, association militant pour une transition éducative. Et 40 % d’entre eux n’étaient pas identifiés comme “élèves à risque de décrochage” avant le confinement.
Ce phénomène explique les nombreux appels de la part d’établissements et de collectivités reçus par l’Afev pendant le confinement. Mais pour accompagner ces nouveaux élèves en difficulté, l’association avait besoin de nouveaux bras. Une campagne, menée sur internet avec la collaboration d’autres associations spécialisés dans le mentorat, a permis le recrutement de plus de 4 000 nouveaux bénévoles.
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Mais maintenant que la crise est passée, l’Afev est à nouveau inquiète. Car le distanciel ne fonctionne qu’un temps. “Nous essayons de poursuivre nos actions sur le terrain à la rentrée. Mais certains territoires sont plus fragiles que d’autres et on assiste déjà à des fermetures d’écoles…”, soupire Eunice Mangado-Lunetta.
L’autre défi, c’est celui du recrutement des mentors. L’association est persuadée que ses binômes sauront faciliter le “raccrochage” des élèves déboussolés par le confinement. “Mais il est difficile de mobiliser des étudiants quand on ne peut pas tracter sur les campus, dans le Crous ou les restaurants universitaires », estime Eunice Mangado-Lunetta.
Son association est partenaire du débat public organisé mercredi 23 septembre à l’Auditorium du journal Le Monde à l’occasion de la 13e Journée du refus de l’échec scolaire. Elle espère y trouver des pistes de solutions au grand coup que le confinement a porté à la scolarité des élèves déjà fragiles.
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