Partager la publication "Café, thé, chocolat, un trio incompatible avec la sobriété ?"
Si demain, vous deviez faire une croix sur vos quatre tasses de café ou de thé quotidiennes ou sur votre tablette de chocolat hebdomadaire, serait-ce envisageable ? Ces trois aliments, et leur consommation, font partie intégrante de nos vies. Pourtant, aucun ne se cultive sur nos sols. Le cacaoyer est un arbre qui vient d’Amérique du Sud, le théier un arbuste asiatique et le caféier, un arbre d’Afrique. À l’heure où la prise de conscience écologique influe sur nos comportements quotidiens, et où la sobriété est de mise, ces trois produits ont tendance à passer sous le radar.
Dans le monde, 2,5 milliards de tasses de café seraient bues par jour. En 2021, 297 milliards de litres de thé ont été avalés dans le monde. Et la consommation globale de chocolat est estimée à au moins 7,2 millions de tonnes chaque année. Autant dire qu’avec ces chiffres cumulés, la part de ces trois denrées dans notre alimentation est colossale.
En 2022, WE DEMAIN a noué un partenariat avec le Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). Onze jeunes journalistes en contrat de professionnalisation ont travaillé à la production d’une série d’articles autour du thème de la sobriété. Retrouvez ici l’ensemble des sujets publiés sur la question.
Des aliments profondément associés à des rituels de sociabilité
« Les gens ne sont pas prêts à revoir leur mode de consommation, explique Loïc Bienassis, historien à l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation. Ces trois boissons sont des rituels de sociabilité qui scandent la journée, réunissent les gens. Et puis bien-sûr, il ne faut pas négliger l’addiction que nous développons. » Pourtant, il y a trois siècles, personne ne consommait ces produits. « Les mœurs évoluent sans cesse. Les gens ont créé ce besoin de se procurer ces denrées, coûte que coûte », complète l’historien. Une dépendance bien ancrée tant la demande est croissante.
Hélène de Vestel, fondatrice de l’association Edeni, qui propose des formations pour « transitionner » vers un mode de vie plus durable, est plutôt sévère à l’égard du trio. « Si l’on veut repenser sa façon de consommer et adopter un mode de vie plus sobre, il faut avoir conscience qu’ils sont incompatibles avec une écologie cohérente« , assène-t-elle. « Découverts » par les Européens au XVIIème siècle lors des diverses phases de colonisation des Amériques et de l’Afrique, ces trois aliments sont rapidement devenus les produits phares de la mondialisation. La première étape consiste peut-être à repenser sa consommation. « Sans pour autant cesser d’en ingérer, peut-être faudrait-il commencer par considérer ces aliments comme un produit de luxe puisqu’ils viennent de très loin et les savourer avec parcimonie« , tempère-t-elle.
Orge torréfié et chicorée… des alternatives existent pour aller vers davantage de sobriété
Si cesser d’en consommer est impensable pour 8 Français sur 10 selon une étude réalisée par l’ObSoCo en 2019 pour MaxiCoffee, différentes options s’offrent à eux. L’ancien restaurateur Yoann Gouéry propose depuis cinq ans un produit de substitution au breuvage caféiné du matin : l’orge torréfiée. Avec son entreprise, Graine de Breton, il transforme cette céréale, utilisée essentiellement pour faire de la bière, en grain torréfié prêt à être infusé. « Le goût n’est pas le même que celui du café. Les notes sont plus céréalières et amidonnées », reconnaît l’entrepreneur.
S’il ne présente aucune trace de caféine, ce produit offre la possibilité de remplacer le geste et la consommation quotidienne de café. Côté budget, il faut compter environ 5 euros pour les 200 gr. En comparaison, c’est aussi cher que 200 gr de café bio Malongo. Une autre alternative, bien connue des habitants du nord de la France, est également possible : la chicorée. Depuis plus d’un siècle, les racines de cette plante sont séchées et torréfiées pour être consommées en grains ou moulues dans de l’eau chaude ou froide.
Sobriété : et pourquoi pas du thé de France ?
Si vous êtes plus thé que café, Paul Velnert, un Néerlandais de 77 ans, a choisi de dédier sa retraite à la culture de cet arbuste… en Corrèze (19). Thé 19 est donc 100 % français. Et il ne nécessite aucun traitement particulier puisque le sol de la commune de Saint-Charmant est parfaitement adapté. « Acide et sableux. S’il était calcaire, le théier n’y pousserait pas », explique le producteur. Côté température, le thé vert qu’il plante, le “Camellia Sinensis » résiste jusqu’à -10 degrés.
L’idée lui est venue lors d’une rencontre avec un cultivateur de thé vert aux Pays-Bas. « Je me suis dit, pourquoi pas passer mes jours de retraite à planter du thé ? ». En effet, depuis plusieurs années des champs de théiers fleurissent un peu partout en Europe, de l’Allemagne, aux Açores, de la France à l’Irlande. À ce jour, le retraité cultive plus de 8 000 pieds, et propose différentes gammes de thés aromatisés. Le prix est cependant élevé, mais cela se justifie par la main-d’œuvre qui est « justement rémunérée« , justifie-t-il. Comptez 7€ les 30 gr. La sobriété a parfois un coût…
Transat’ chocolatée : quand le cacao voyage en bateau à voile
Enfin pour le cacao, cette graine venue d’Amérique du Sud, et qui ne poussera sûrement jamais sur nos sols, porter une attention particulière à son mode de production et de transport demeure l’option la plus compatible avec un mode de vie plus sobre. Les Bretons, Grain de Sail, ont créé il y a deux ans le premier voilier cargo qui va chercher son chocolat en République-Dominicaine et au Pérou. Le vent comme source d’énergie, voilà de la sobriété.
Ainsi le consommateur goûte un chocolat bio, issu de petites coopératives labellisées Fairtrade, et dont le transport ne pollue pas. « Notre empreinte carbone est réduite à plus de 90 % avec ce type de transport », explique Stéphane Gallard, directeur marketing. Actuellement, seuls 55 % de leur chocolat sont transportés avec leur voilier, le reste en cargo classique. L’entreprise fait construire un second voilier-cargo, plus grand. Objectif : réussir à importer 100 % de leur chocolat avec ce mode de transport d’ici la fin de l’année 2023.
Autrice : Juliette Boulegon.