L’accord à la COP21 ne règle pas le problème climatique : les 7 points qui fâchent

Un « accord historique ». L’issue de la 21e conférence des Nations unies sur le climat a été saluée quasi unanimement par les médias internationaux. L’accord scellé et adopté par 196 parties le 14 décembre repose sur un traité juridiquement contraignant, qui doit encore être ratifié par 55 pays représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre à compter du 22 avril 2016.
Les objectifs visés sont les suivants : maintien du réchauffement « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels » et obligation de « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C », ce qui « réduirait significativement les risques et impacts du changement climatique ».

Ces objectifs ont réjoui une large majorité de scientifiques et de responsables d’ONG internationales. Mais dans le détail, les analyses sont plus contrastées : au-delà du succès diplomatique de la COP21, quelles pourraient être ses conséquences effectives ? Que manque-t-il pour véritablement enrayer le réchauffement climatique ? Retour sur les déclarations de sept experts.
 

Jean Jouzel : « On arrive sur une trajectoire de l’ordre de 3°, encore beaucoup trop »

« Il faudrait (…) que d’ici 2020, tous les pays revoient à la hausse leurs contributions et pour certains les doublent. Mais les déclarations ne suffisent pas, il faudra aussi des innovations technologiques dans le stockage de l’énergie, l’abaissement du coût des énergies renouvelables, le développement de la voiture électrique, etc. Ensuite, il faudrait diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 40 à 70 % d’ici la moitié du siècle, pour arriver à la neutralité carbone bien avant 2100. Or, si l’on additionne la totalité des promesses de réduction des émissions de gaz à effet de serre faites par 186 états avant la Cop 21, on arrive sur une trajectoire de l’ordre de 3° pour la fin du siècle. Même si c’est mieux que 4 à 5°, le plus mauvais scénario prévu par le Giec dans son 5e rapport, c’est encore beaucoup trop. »
Jean Jouzel, prix Nobel de la paix en 2007, climatologue et ancien-vice président du Comité scientifique du Giec, à La Vie.fr.

 

Jean Tirole : « La tarification carbone a été enterrée dans l’indifférence générale »

« Question efficacité dans la lutte contre le réchauffement climatique, la tarification du carbone, recommandée par la très grande majorité des économistes et de nombreux décideurs, mais chiffon rouge pour le Venezuela et l’Arabie Saoudite – grands exportateurs de pétrole, N.D.L.R. -, a été enterrée dans l’indifférence générale par les négociateurs, compromettant sérieusement la réalisation de l’objectif climatique (…). Et pourtant, il faut un prix universel du carbone compatible avec l’objectif des 1,5 ou 2 °C. Les propositions visant des prix différenciés selon les pays non seulement ouvrent une boîte de Pandore (qui paiera quoi ?) mais surtout ne sont pas écologiques. La croissance des émissions viendra des pays émergents et pauvres, et sous-tarifer le carbone dans ces pays ne permettra pas d’atteindre l’objectif. D’autant qu’un prix élevé du carbone dans les pays développés encouragera la localisation des productions émettrices de GES dans les pays à bas prix du carbone, annihilant ainsi les efforts faits par les pays riches. »
Jean Tirole, prix Nobel d’économie 2014, professeur d’études au MIT, à L’Opinion.fr .

 

Joachim Schellnhuber : « Le texte ne rend pas opérationnel l’objectif de long terme »

« [Une partie] du texte ne rend pas opérationnel l’objectif de long terme. Stabiliser les températures implique de s’orienter vers zéro émission à l’échelle planétaire d’ici à 2050, pour avoir une chance d’y parvenir. Or, la formulation actuelle propose la « neutralité des émissions » au cours de la deuxième moitié du siècle.(…) La COP21 va envoyer un signal au marché, mais ce sont aux villes et aux citoyens de finir le job. »
Joachim Schellnhuber, directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), à La Croix.fr.

 

Nicolas Hulot : « La date de la première révision obligatoire est trop tardive »

« L’avenir seul confirmera si l’accord de Paris est historique. Tout dépendra des moyens mis en œuvre pour réaliser les engagements de tous les États. Il faudra également revoir à la hausse le plus vite possible les engagements des États les plus développés. »
Nicolas Hulot, envoyé spécial de François Hollande pour la protection de la planète dans une lettre adressée à la presse.
« La date de la première révision obligatoire [des engagements des parties, prévue tous les cinq ans, NDLR] est trop tardive, puisqu’elle est prévue en 2025. Ce seraient dix ans de perdu. Il faut obtenir que des pays décident volontairement de réviser leurs engagements avant 2020. »
Nicolas Hulot, par le biais de la fondation Nicolas Hulot.

Kumi Naidoo : « Trop peu d’aide pour les populations les plus touchées »

« [L’accord va] nous aider à nous désembourber [de la crise climatique], mais il est loin d’être satisfaisant (…). L’injustice transpire dans ce texte. Les pays à l’origine du problème ont promis trop peu d’aide pour les populations sur les lignes de front du dérèglement climatique, qui sont déjà en train de perdre leurs moyens de subsistance et la vie. »
Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International au Monde.fr.

Maxime Combes : « Nous avons affaire à un accord non contraignant »

« La mention d’un objectif d’1,5°C ne saurait masquer l’absence d’engagements chiffrés de réduction d’émissions de GES pour les années à venir ; sans feuille de route clairement établie, y compris en matière d’aide au financement, nous avons affaire à un accord sans ambition, non contraignant, injuste et clairement déséquilibré. »
Maxime Combes, porte-parole d’Attac France pour l’Humanité.fr.

Téléchargez ici l’accord universel, long de 39 pages :

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