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COP27 et géo-ingénierie : en route vers la manipulation du climat

Elimination technologique du CO2 atmosphérique, injection de particules dans la stratosphère pour bloquer les rayons solaires… Les projets de géo-ingénierie attirent la COP27 pour « réduire les risques du dépassement » de 1,5 °C de réchauffement.

Le 14/11/2022 par Vincent Rondreux
géo-ingénierie
Géo-ingénierie : proposition de gestion des radiations solaires par diffusion de sulfate sous forme d'aérosol dans la stratosphère. Crédit : Hughhunt / Wikipedia.
Géo-ingénierie : proposition de gestion des radiations solaires par diffusion de sulfate sous forme d'aérosol dans la stratosphère. Crédit : Hughhunt / Wikipedia.

Connaissez-vous la « Climate Overshoot Commission », ou la « Commission du dépassement climatique » en français ? Voilà un nom qui résonne un peu comme le titre d’un film catastrophe. C’est le résultat d’un « processus de haut niveau » pour étudier des « approches additionnelles » à la « nécessaire réduction profonde et rapide » des émissions de gaz à effet de serre ». À sa tête, on retrouve le Français Pascal Lamy, Président du Forum de Paris sur la Paix. Objectif : établir une « stratégie globale pour réduire les risques de ce dépassement ». En la matière, la géo-ingénierie pourrait être choisie comme solution.

La création de la « Climate Overshoot Commission », en mai dernier, fait écho à l’incapacité des COP depuis 30 ans, donc des gouvernants, à limiter le réchauffement planétaire. Et à la mort annoncée de l’objectif de 1,5 °C défini par l’Accord de Paris à la COP 21. Une mort mettant en péril les pays les plus vulnérables, donc au passage l’Accord de Paris, les COP, et plus encore la paix Nord-Sud… Tout cela sur fond d’injustice et de financement du changement climatique : promesse non tenue par le Nord de 100 milliards de dollars pour démarrer, besoins du Sud de milliers de millions de dollars pour vraiment faire face aux défis à venir, « pertes et préjudices » pour les dégâts irréparables, déjà actuels.

Le scénario miracle du GIEC

L’idée reviendrait en fait à reconnaître que les +1,5 °C seront dépassés mais, dans le même temps, à parier que les êtres humains, c’est-à-dire nos enfants et les générations futures, parviendront dans la deuxième partie du siècle à aspirer massivement du CO2 de l’atmosphère et même à refroidir la planète, grâce à de nouvelles technologies (très hypothétiques à ce jour).

C’est ce que sous-entendait déjà le 1er tome (base scientifique du réchauffement) du nouveau rapport d’évaluation du Groupe international d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), paru l’an passé. Son scénario le plus optimiste envisage un dépassement à 1,6 °C entre 2041 et 2060. Puis un miraculeux retour à 1,4 °C en 2100.

Une commission d’anciens présidents, ministres, hauts-fonctionnaires…

Cette commission est soutenue par différents fonds dans lesquels on peut trouver des milliardaires. Comme l’un des co-fondateurs de Facebook, Dustin Moskovitz (Open Philanthropy, Fondation Rockefeller, Fondation Fond Kohler Charitable, Fonds LAD Climate). Pourtant, la toute nouvelle Climate Overshoot Commission se veut indépendante.

Outre Pascal Lamy, elle se compose d’anciens présidents, premiers ministres et ministres, du Nord et surtout du Sud, de hauts fonctionnaires internationaux, de dirigeants d’organisations environnementales et d’une experte en gouvernance mondiale. Il s’agit de la Française Laurence Tubiana, cheville ouvrière de l’Accord de Paris. Elle est aujourd’hui directrice de la Fondation européenne pour le climat.

De la « fertilisation » des océans à l’accélération de l’érosion… la géo-ingénierie à l’étude

Mission de l’équipe : étudier des « mesures d’adaptation élargies et accélérées pour réduire la vulnérabilité climatique »… Réfléchir à une gouvernance qui permette de lancer l’humanité dans la très controversée spirale de la manipulation du climat, la géo-ingénierie. La Commission du dépassement envisage cette manipulation sous deux formes. La première est de retirer massivement du CO2 de l’atmosphère. La seconde consiste à bloquer les rayons du Soleil dans l’espace pour qu’ils n’atteignent pas la Terre. 

Pour retirer le CO2 de l’atmosphère (technologies CDR, carbon dioxide removal), les projets actuels sont multiples. Ils portent sur des biotechnologies avec captage et stockage du carbone (BECSC). Mais aussi sur des machines filtrant l’air, sur la « fertilisation » des océans, sur la pyrolyse de biomasse afin d’obtenir du biocharbon (biochar) ou encore sur l’accélération de l’érosion naturelle des roches… Autant de projets hasardeux dans une approche planétaire. 

Une idée folle mais soutenue par Bill Gates

Pour bloquer les rayons du Soleil (technologies SMR, solar radiation management), une idée jugée complètement folle a néanmoins bénéficié de recherches financées par des milliardaires, Bill Gates en tête.  Le concept de cette géo-ingénierie consiste à vouloir imiter l’effet d’une éruption volcanique. Cela consiste à injecter massivement (et de manière permanente sous peine de réchauffement brutal) des particules (soufre, carbonate de calcium) dans la stratosphère.

Objectif : que ces particules renvoient la lumière vers l’espace. Ce qui aurait pour effet de refroidir la température à la surface de la Terre. Mais avec des dégâts collatéraux qu’il est évidemment impossible d’expérimenter à l’échelle de la Terre. Les travaux de modélisation annoncent par exemple des sécheresses en Afrique, une perturbation des moussons en Asie… La couche d’ozone pourrait également en faire les frais. 

Néanmoins, cette option est bien aujourd’hui sur la table de la « Climate overshoot commission ». L’un de ses conseillers n’est autre que l’ingénieur canadien David Keith. Ce professeur de physique à Harvard est considéré comme le grand prêtre de la manipulation du rayonnement solaire. Ses recherches en géo-ingénierie sont appuyés depuis des années par Bill Gates.

Lancement pour la COP28 à Dubaï

La « Climate overshoot commission » multiplie les réunions depuis cet été. Par exemple samedi à la COP27, d’où Pascal Lamy a twitté : « Notre motivation est d’ouvrir la discussion sur l’adaptation, le CDR et le SMR avec un nouvel état d’esprit, en raison de l’urgence de traiter les risques de dépassement ».

Le rapport final de cette commission établira des recommandations. Elles « serviront de point de référence pour orienter les futures discussions mondiales sur les mesures globales visant à réduire les risques climatiques ». Il doit être publié l’été prochain, en amont de la COP28 qui aura lieu à Dubaï, ville elle-même manipulée, artificielle. Un symbole pour l’avenir de la planète où les êtres humains, notamment les puissants, désirent visiblement encore dompter la nature. Au lieu de construire avec elle. 

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