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Hydrogène, avion bas carbone, fonds marins… Que prévoit le plan « France 2030 » d’Emmanuel Macron ?

Décarboner notre industrie, devenir leader de l’hydrogène vert, produire le premier avion bas carbone ou encore explorer les grands fonds marins. Emmanuel Macron a donné les 10 objectifs du plan d’investissement « France 2030 » de 30 milliards d’euros mardi 12 octobre, à l’Élysée.

Le 13/10/2021 par Sofia Colla
Emmanuel Macron France 2030
Mardi 12 octobre, Emmanuel Macron a présenté le plan d’investissement "France 2030" comportant 10 objectifs. (Crédit : Capture d’écran YouTube)
Mardi 12 octobre, Emmanuel Macron a présenté le plan d’investissement "France 2030" comportant 10 objectifs. (Crédit : Capture d’écran YouTube)

Mardi 12 octobre, le président de la République Emmanuel Macron présentait le plan « France 2030 » à l’Élysée. Un plan d’investissement de 30 milliards d’euros, mobilisés sur cinq ans, qui intervient à six mois de l’élection présidentielle. 

« France 2030 » se décompose en 10 grands objectifs pour « redevenir une nation d’innovation et de recherche ». « Pour à la fois mieux produire, mieux vivre et mieux connaître le monde de 2030 », a déclaré le chef de l’État.

Voici le détail de ces objectifs, ainsi que quelques réactions à la suite de ces annonces. 

8 milliards d’euros pour le secteur de l’énergie 

Devenir « leader de l’hydrogène vert »

Sur les 30 milliards d’euros, 8 milliards iront donc à l’énergie. L’un des principaux objectifs : que la France devienne « leader de l’hydrogène vert » d’ici à 2030. Cela grâce à la construction de « deux gigafactories ou électrolyseurs » afin de permettre de décarboner nos trains, avions et bus

Emmanuel Macron a appelé dans son discours à « ne pas répéter les erreurs passées que nous avons faites sur les énergies renouvelables. On a trop peu investi sur l’offre et la capacité à développer notre filière. »

1 milliard pour le nucléaire 

1 milliard de ces 8 milliards sera consacré au nucléaire. Cet argent servira à « faire émerger des réacteurs nucléaires de petites tailles d’ici à 2030 ». Des systèmes « beaucoup plus sûrs », assure le président. Un effort sera également fourni pour « réduire les déchets »

Une annonce qui ne passe pas pour les antinucléaires, comme Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale et députée dans la Val-de-Marne. 

Décarboner notre industrie

Enfin, une grosse partie de cet investissement sera consacrée à décarboner l’industrie, notamment les « grandes cimenteries » ou « les grandes aciéries ».

« Dans notre stratégie on s’est engagé à abaisser de 35 % nos émissions de gaz à effet de serre entre 2015 et 2030. On est en 2021, on a fait 4 % », a rappelé le président. 

Pas assez pour Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. « Où sont les investissements pour le ferroviaire, les économies d’énergie, la rénovation des bâtiments, la reconversion des salariés des secteurs polluants, etc.  ? », se demande ce dernier. « En faisant l’impasse sur ces enjeux, le président prouve une fois de plus son obsession pour la croissance au détriment de l’urgence climatique. […] La technologie seule ne nous sauvera pas », a-t-il réagi dans un communiqué.

4 milliards d’euros pour les « transports du futur »

Produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides 

Parmi les 10 objectifs, le président a cité l’ambition de produire 2 millions de véhicules électriques et hybrides. Il a rappelé que ces 30 dernières années ont été cruelles pour l’industrie automobile française. Et a notamment appelé les constructeurs automobiles à coopérer : « Si les grands constructeurs français ne jouent pas le jeu, ça ne marchera pas. » Ces crédits permettront d’investir à la fois dans les véhicules et les batteries.

Dans un communiqué, WWF France « salue les efforts supplémentaires favorables à la transition des mobilités et des énergies renouvelables ». Mais l’ONG écologique est également « inquiète sur le soutien à de fausses solutions, comme les agrocarburants, le nucléaire ou une agriculture ‘numérique’ (voir ci-dessous, ndlr) »

Produire le premier avion bas carbone 

Après le secteur automobile, celui de l’aéronautique, durement touché depuis le début de la crise sanitaire. « Nous allons aussi investir massivement pour permettre de déployer d’ici à 2030 le premier avion bas carbone qui doit être un projet français, mais dont l’objectif est de l’européaniser au maximum », a déclaré le chef de l’État. 

Hydrogène, biocarburant… Le président n’a pas précisé le fonctionnement de cet avion bas carbone, mais se montre optimiste. « Je pense que 2030 est tout à fait faisable. C’est un sujet de mobilisation et de concentration des efforts, nous avons les moyens de le faire. »

Pour Yannick Jadot, invité de l’émission « 4 Vérités » mercredi 13 octobre sur France 2, c’est un « plan qui va donner beaucoup d’argent aux lobbys. […] On a à la fois les réacteurs nucléaires, dont on veut nous faire croire que c’est la grande modernité. On a l’avion vert, comme on avait les avions renifleurs. C’est surtout un plan de saupoudrage. […] C’est un plan qui va donner beaucoup d’argent aux lobbys, mais qui n’avance en rien notre pays dans les grandes transitions nécessaires », a-t-il déclaré. 

2 milliards d’euros pour une nouvelle révolution agroalimentaire

« Nous devons accélérer la révolution agroalimentaire que nous sommes en train de mener », a plaidé Emmanuel Macron. L’objectif affiché par le président : produire une alimentation « saine, durable et traçable ». « Nos agriculteurs doivent être payés pour le travail fait », a-t-il ajouté.

Les investissements seront consacrés principalement « aux innovations de rupture », dont le numérique, la robotique et la génétique. Différents moyens, selon le président, de « sortir de certains pesticides », d’avoir « une gestion plus fine » et de bénéficier de productions « plus résilientes ». « Nous devons continuer à produire en améliorant la qualité, la compétitivité et en baissant les émissions de CO2 », précise-t-il.

« Le Président de la République cède un peu plus au mirage du ‘tout technologique’ supposé résoudre, comme par magie, les crises écologiques », dénonce elle aussi la Fondation Nicolas Hulot dans un communiqué. « Malgré certains objectifs annoncés par le Président de la République de réindustrialisation et de relocalisation des emplois, sa stratégie productive fait l’impasse sur la nécessaire sobriété. »

3 milliards d’euros pour le secteur de la santé 

La France est passée, en dix ans, de la première à la quatrième place européenne des producteurs de médicaments. « Les traitements les plus innovants ont tendance à s’inventer ailleurs », a constaté Emmanuel Macron. Une situation qui s’est fortement ressentie lors de la crise du Covid-19. 

L’un des objectifs est donc de produire 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies chroniques, dont celles liées à l’âge, et de créer les dispositifs médicaux de demain. « Nous n’avons pas d’autre choix que d’accélérer et de revenir vraiment dans les tout meilleurs de tête dans le secteur de la santé », a-t-il déclaré. 

Redorer la culture

« Huitième objectif, c’est placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs », souligne le chef de l’État. « Mieux vivre en 2030, c’est aussi être dans un pays, dans un monde où l’imaginaire, les histoires dans lesquelles nous évoluons sont les nôtres, en tout cas, font partie de notre histoire, de notre vision du monde, de nos valeurs, de ce que notre civilisation porte. »

« C’est un combat qui est à la fois civilisationnel et créateur de valeur », a-t-il ajouté.  

Ces crédits iront notamment dans une « stratégie de formation », pour répondre au manque de « techniciens, de scénaristes, des professionnels dans tous les secteurs de la création ». L’investissement n’a toutefois pas été détaillé pour ce secteur. 

2 milliards d’euros pour l’exploration 

La conquête spatiale

« Nous devons continuer à être des défricheurs », a souligné Emmanuel Macron. Il souhaite « que la France réussisse à innover dans les nouvelles explorations spatiales, les nouveaux usages et tout ce qui redéfinit les nouveaux termes de la souveraineté et de la confiance dans l’espace ».

« Pour ça, à court terme, nous avons plusieurs objectifs. Les mini-lanceurs réutilisables, qui est un objectif qu’on doit pouvoir atteindre d’ici 2026 ; mais aussi les micro minisatellites, les constellations de demain et l’ensemble des innovations technologiques et de services qui sont au cœur justement de ce nouvel espace », poursuit-il. 

Les grands fonds marins 

Explorer le ciel, mais aussi la Terre. Et plus précisément les grands fonds marins. La France est la deuxième puissance maritime du monde. « Qui peut accepter que nous laissions, en quelque sorte dans l’inconnu, la plus complète une part si importante du globe ? », a lancé le président de la République. 

« Nous avons dans nos zones économiques exclusives, la possibilité d’avoir accès à ces explorations, ce qui est un levier extraordinaire de compréhension du vivant, peut-être d’accès à certains métaux rares, de compréhension du fonctionnement de nouveaux écosystèmes, d’innovation en termes de santé, en termes de biomimétisme, etc. », détaille Emmanuel Macron. 

C’est cet enjeu des ressources minérales qui inquiète certaines ONG. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui s’est réunie à Marseille en septembre 2021, a adopté en cette occasion un « moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins et la délivrance de nouveaux contrats d’exploration ». L’UICN demande notamment que « des évaluations d’impact rigoureuses et transparentes aient été menées ». Et que « la protection efficace du milieu marin soit garantie ». Or la France s’est abstenue lors du vote de cette résolution.

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