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« Zuckerberg est-il vraiment un visionnaire ? On peut se poser la question »

Dans une note publiée le 6 mars, Mark Zuckerberg a annoncé vouloir faire muter Facebook vers une messagerie privée plus respectueuse des données personnelles. Pourra-t-il tenir cette promesse ?

Le 12/03/2019 par Pauline Vallée

Changement de cap annoncé pour le premier réseau social du monde. Le 6 mars, son cofondateur et PDG Mark Zuckerberg a publié un long billet en anglais dans lequel il promet de grands changements pour la plateforme aux 2,3 milliards d’utilisateurs.

Je crois, explique-t-il, que les plateformes d’échanges privés vont devenir plus importantes que les plateformes ouvertes.” L’homme d’affaire américain ajoute que “les messages privés, les ‘stories’ éphémères et les petits groupes sont  – de loin – des secteurs en pleine expansion dans la communication en ligne. »

Nous voulons construire [Facebook] comme nous avons développé Whatsapp : en se concentrant sur l’échange par messages […], en sécurisant ces échanges au maximum, et en proposant aux utilisateurs d’autres moyens d’interagir comme les chats vidéos, groupes, ‘stories’, et des services de paiement, professionnels ou commerciaux […].

Exit donc la publication et le partage de photos ou statuts publics, potentiellement visibles par tout un chacun. Le Facebook du futur prendrait pour modèle Whatsapp, application de messagerie instantanée rachetée par le groupe en 2014.

Nouvel effet d’annonce ou véritable mutation à venir ? “Mark Zuckerberg n’invente rien, estime Jérôme Colombain, journaliste à France Info et auteur de l’ouvrage Faut-il quitter les réseaux sociaux ?Il ne fait que constater la courbe de progression d’Instagram et de Whatsapp. Par le passé il s’était déjà enthousiasmé pour d’autres innovations, comme la réalité virtuelle ou la vidéo 360°, en disant que c’était l’avenir. »

« À l’arrivée, ces tendances n’ont pas eu l’effet tsunami annoncé. On peut donc se poser la question : Zuckerberg est-il vraiment un visionnaire ?

Le déclic Cambridge Analytica

Selon Jérôme Colombain, la firme américaine est d’autant plus contrainte de muter qu’elle se trouve dans une position délicate depuis le scandale Cambridge Analytica, qui a éclaté au printemps 2018. Les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs avaient été siphonnées par Cambridge Analytica, une entreprise britannique spécialisée dans l’influence politique, provoquant un tollé international.

À lire aussi : « Cambridge Analytica : Facebook pourrait devenir plus transparent, payant… ou être démantelé »

Dans le cadre de cette affaire, le groupe a été condamné en octobre à verser une amende symbolique de 565 000 euros par l’Information Commissioner’s Office (ICO) britannique pour “infractions sérieuses à la loi sur la protection des données”.

« Le changement de cap n’est pas vraiment surprenant dans ce contexte, reprend Jérôme Colombain. Mark Zuckerberg a senti le vent tourner : s’il ne réagissait pas, il allait vers une perte de confiance des internautes, des partenaires commerciaux et institutionnels. Or, cette perte de confiance menace directement son modèle économique.

Sur la question de la confidentialité, le fondateur de Facebook veut montrer qu’il a retenu la leçon. Les messages envoyés seront cryptés par “chiffrement de bout en bout” (ou E2EE), comme c’est déjà le cas sur Whatsapp ou Skype, promet-il. De même, le patron de Facebook évoque l’idée d’une date d’expiration pour les contenus partagés sur sa plateforme. Concrètement, cela signifie que les messages ou photos pourraient être automatiquement supprimés au-delà d’une date limite.

Le remède miracle aux fake news ?

Au sujet de la privatisation des échanges souhaitée par Zuckerberg, Jérôme Colombain met en garde : cela ne représente pas une solution miracle à la diffusion des fausses nouvelles (fake news en anglais). Les intox peuvent en effet proliférer sur des réseaux sociaux “fermés” comme Whatsapp :

“Sur ce type de réseaux, il y a un effet ‘confiance en l’émetteur’. Si quelqu’un appartenant à un groupe d’anciens étudiants ou de parents d’élèves par exemple balance une info, elle sera partagée par les autres membres car ils le connaissent et ont a priori confiance en lui.”

La baisse des recettes publicitaires et de popularité de Facebook pousse le réseau social à se réinventer. Mais en plus des questions sur l’efficacité de ces transformations, se pose aussi celle de leur faisabilité. Est-il possible de changer radicalement Facebook ? Il faudra attendre quelques années avant de classer le message de Mark Zuckerberg dans la case des voeux pieux… ou dans celle des prédictions visionnaires. 

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