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Marie Toussaint : « L’échec de la COP25 doit servir de sonnette d’alarme »

Quatre ans après la signature de l’accord de Paris, la COP de Madrid s’est achevée dimanche sans réelles avancées. L’eurodéputée Marie Toussaint revient pour We Demain sur cette édition ratée, qui n’augure rien de bon pour le prochain rendez-vous de Glasgow en novembre 2020.

Le 17/12/2019 par Pauline Vallée
La société civile s'est mobilisée tout au long de la COP25 pour appeler les à‰tats à  s'engager plus concrètement contre le réchauffement climatique. (Crédit : Shutterstock)
La société civile s'est mobilisée tout au long de la COP25 pour appeler les à‰tats à  s'engager plus concrètement contre le réchauffement climatique. (Crédit : Shutterstock)

Pour un rendez-vous diplomatique dont le sous-titre était « Time for action” (« Il est temps d’agir”), le résultat final est bien décevant. La 25e conférence des parties sur les changements climatiques s’est achevée ce dimanche à Madrid avec plus de 48 heures de retard, au terme de deux semaines de négociations qui n’ont abouti à aucune avancée significative.

Cette COP25 était pourtant la dernière étape avant la conférence de Glasgow de 2020, pendant laquelle les États signataires de l’accord de Paris devront présenter une version révisée de leurs engagements. Seulement 16 pays ont pour l’instant adopté des mesures permettant de respecter la limitation du réchauffement à +2°C… dont aucun membre de l’Union européenne.

Pour We Demain, la députée européenne Marie Toussaint, cofondatrice de l’association Notre affaire à tous et instigatrice de la campagne l’Affaire du siècle, réagit à la clôture de la COP25 et appelle la communauté internationale à un sursaut collectif.

We Demain : À peine achevée, la COP25 se voit déjà qualifiée de « déception” ou d’ »échec”. Le bilan de ces deux semaines de négociations est-il si négatif ?

Marie Toussaint : Malheureusement oui, on peut même parler de fiasco total. Quatre-vingt pays, dont la France, se sont certes engagés à rehausser leurs ambitions d’ici 2020. Mais cela reste très loin des recommandations du GIEC – comme l’a rappelé le président des Nations Unies António Guterres – qui préconise de changer complètement de modèle d’ici 2030 pour respecter l’accord de Paris, 

On se cache derrière des questions techniques et bureaucratiques pour retarder les engagements concrets. La COP25 devait servir, entre autres, à aborder la question du marché des crédits carbone et la comptabilisation des pertes et dommages. Aucun des deux sujets n’a abouti à un accord. 

Pourquoi un tel échec ?

Les pays pollueurs, comme le Brésil et la Chine, n’ont eu de cesse de bloquer les négociations. Par ailleurs, l’Europe se prive de toute force d’entraînement en n’étant pas exemplaire.

Cette COP me semble aussi marquée par le triomphe des lobbies et le recul des mouvements citoyens. Au moins 200 militants ont été exclus des discussions. C’est du jamais-vu. Plus de 200 associations ont demandé à ce que les lobbys soient tenus à l’écart des négociations pour ne pas peser sur les décideurs, et pourtant ils étaient quand même présents.

La conférence s’est déroulée dans un climat très tendu, et cela pourrait être bien pire l’année prochaine à Glasgow. L’échec de cette COP devrait servir de sonnette d’alarme et conduire à un sursaut de la part des États.

Parmi ces mauvaises nouvelles, il faut néanmoins souligner l’annonce de l’Union Européenne qui s’engage à atteindre la neutralité carbone en 2050…

On peut se réjouir que la Commission européenne ait affiché l’écologie comme une priorité de son mandat. Mais si on veut respecter les recommandations du GIEC, il faut plutôt viser la neutralité carbone à horizon 2040. La Commission parle seulement d’une réduction des émissions de 50 % à l’horizon 2030, là où il faudrait les diminuer de 65 % si on voulait respecter l’accord de Paris.
 

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Les COP sont-elles encore nécessaires pour faire avancer la cause climatique ?

Ces discussions restent utiles. Elles fixent des objectifs symboliques qui construisent un cadre incitatif. Mais il semblerait qu’on soit à nouveau rentré dans une phase de blocage. La géopolitique de l’effondrement est en train de s’imposer, avec des dirigeants très puissants pour lesquels le climat est au mieux une variable d’ajustement et au pire un frein à l’économie, comme Trump ou Bolsonaro.

Si aucun État n’est assez fort pour leur faire entendre raison, il faut faire émerger des tiers puissances citoyennes capables de peser. Ainsi, à l’occasion de la COP25, 117 entreprises se sont engagées à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Des États, villes et entreprises américaines, qui représentent 68 % du PIB et 51 % des émissions carbone américaines, ont aussi mis sur la table le « Accelerating America’s Pledge” dans lequel ils s’engagent à réduire de 37 % des émissions en 2030 par rapport à 2005. La présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a annoncé qu’une loi climat était en cours de rédaction par les deux partis politiques et devrait être publiée en mars 2020.

Enfin Madrid a accueilli vendredi dernier la plus grande manifestation jamais organisée lors d’une COP :  tandis que les gouvernements échouaient à se mettre d’accord, 500 000 personnes [chiffre avancé par Greta Thunberg, ndlr] ont défilé dans les rues. Nous vivons un moment paradoxal d’effervescence citoyenne et d’attentisme des politiques. 

La justice peut-elle pallier l’action insuffisante des États ?

L’accord de Paris ne mentionne le mot « justice” qu’une seule fois alors qu’il est la clé absolue. On ne pourra pas vaincre le réchauffement climatique sans justice, que ce soit la justice sociale au sein des pays, ou la justice entre pays du Nord et du Sud. Certains pays comme les Maldives sont en train de disparaître sous les eaux. Voilà la réalité du changement climatique, qui entraîne une violence environnementale démesurée à l’égard des plus pauvres.

Le premier jour de la COP25, la Commission philippine des droits humains a publié une enquête dans laquelle elle annonce que les Philippins pourraient demander réparation à 47 entreprises impliquées dans les énergies fossiles pour les dommages causés par le changement climatique. Le droit doit être une arme au service de la sauvegarde du climat.

Nous sommes d’ailleurs de plus en plus nombreuses et nombreux à demander que le crime d’écocide soit reconnu par la Cour Pénale Internationale. Rendre les auteurs des crimes contre la planète responsables devant la loi serait une avancée décisive.

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