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Rien ne se perd : (un)woven, le biotextile letton qui revalorise les tissus inrecyclables

Fabriqué à partir de fibres de qualité inférieure, (un)woven est une matière innovante imaginée par le Studio Sarmite. Son ambition : contourner les limites du recyclage classique et repenser la chaîne textile dans une logique de circularité radicale.

Le 01/05/2025 par Florence Santrot
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Un prototype de veste imaginé en un(woven) par Mareunrol et Studio Sarmite en 2023. Crédit : Studio Sarmite.
Un prototype de veste imaginé en un(woven) par Mareunrol et Studio Sarmite en 2023. Crédit : Studio Sarmite.

Et si les déchets textiles les plus pauvres, ceux de moins bonne qualité, devenaient la base d’un design désirable ? C’est le pari du Studio Sarmite, installé à Riga, en Lettonie. En 2024, ce collectif de designers a décroché le Grand Prix du Prix national de design letton pour leur matériau maison, baptisé (un)woven. Son principe : transformer les résidus de fibres mélangées – ceux qui, d’ordinaire, sont considérés comme non recyclables – en un biotextile robuste, léger, et modulable.

Loin de se rêver éternel, (un)woven ne mise pas sur la durabilité matérielle, mais sur la capacité à renaître. Chaque pièce peut être broyée puis refaçonnée dans une nouvelle série de production. Un changement de paradigme, presque philosophique, dans un monde textile qui a longtemps associé qualité et longévité à l’infini. La durabilité peut aussi être la capacité d’une matière à se réinventer sans limite.

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Entre artisanat et industrie, un processus unique

La singularité de (un)woven tient autant dans la matière que dans sa méthode de fabrication. Contrairement aux tissus traditionnels, il n’est pas tissé mais pressé à chaud à partir d’un mélange de fibres naturelles et synthétiques déclassées. L’atelier trie, déchiquette, moule et chauffe les rebuts en une sorte de feuillet malléable, rappelant le feutre ou le cuir.

Studio Sarmite
Détail d’une veste farbiquée en matériaux (un)woven. Crédit : Studio Sarmite

“Nous voulions un matériau qui respecte la nature du rebut. Qui ne le camoufle pas, mais en révèle la texture et la poésie, explique Sarmite Polakova, fondatrice du studio éponyme. De plus, les fibres courtes, jugées impropres à la filature, sont associées à des bioplastiques, qui les renforcent de l’intérieur et confèrent au matériau un fini lisse et semblable au cuir.” Le processus permet de créer différentes épaisseurs, densités et finitions, sans chimie lourde ni teinture ajoutée. Les couleurs ? Elles viennent directement des textiles d’origine. Une fois encore : ne rien cacher des origines mais les transcender.

(un)woven : une circularité assumée jusqu’au bout

Ce qui distingue (un)woven des tentatives de recyclage textile traditionnelles, c’est sa radicalité circulaire. En refusant d’éliminer les fibres synthétiques pour ne garder que le coton ou la laine, le Studio Sarmīte embrasse la complexité des déchets d’aujourd’hui. Et au lieu d’aspirer à un “retour à la pureté”, il imagine une nouvelle matière hybride, intrinsèquement imparfaite.

Le choix de la recyclabilité en boucle plutôt que la longévité éternelle interpelle : “On nous demande souvent combien de temps le matériau dure. Ce n’est pas la bonne question. Ce qui compte, c’est combien de fois il peut être refondu, redéfini, remis en circulation”, souligne Sarmite Polakova.

De Riga à Vitra, une reconnaissance grandissante

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Un siège recouvert du matériau (un)woven. CRédit : Studio Sarmite.

Le succès de (un)woven dépasse les frontières lettones. Depuis sa création, le matériau a attiré l’attention de grandes marques, comme Adidas, Vitra, Hirsch ou encore Levi’s. Certaines utilisent le matériau pour des pièces d’intérieur ou des installations, d’autres pour des objets ou éléments de merchandising à faible impact. Universal Design Studio a, par exemple, intégré (un)woven dans l’aménagement de showrooms éphémères, séduits par sa texture organique et sa souplesse.

Cette démarche est aussi un message : (un)woven n’est pas qu’un matériau. C’est un manifeste contre une industrie textile devenue incapable de gérer ses propres déchets. En montrant que même les résidus les plus “indésirables” peuvent devenir source de valeur, le Studio Sarmite interpelle les géants du secteur, trop souvent bloqués dans une logique de greenwashing ou de recyclage inaccessible. Plutôt que d’attendre une solution technologique miraculeuse, Studio Sarmite mise sur l’ingéniosité et la beauté des matériaux imparfaits.

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