Partager la publication "24 heures de biodiversité : chaque jour, ce que nous prenons à la Terre"
“Nous sommes des prédateurs de la biodiversité. Chaque jour, nous prélevons massivement de quoi nous faire vivre et même bien plus. Animaux, végétaux, nous sommes insatiable”, explique Philippe Grandcolas, directeur-adjoint scientifique de l’institut Écologie & Environnement au CNRS. Et chaque jour, nous la détruisons, inconscients qu’elle nous est indispensable. Notre planète est en crise. Crise du climat, bien sûr, mais aussi crise de la biodiversité. Par crise, on entend des changements rapides, globaux, pour la plupart irréversibles et provoqués uniquement par les humains.
Depuis quelques siècles, avec une accélération brutale ces dernières décennies, nous prélevons sans limites, nous polluons, nous épuisons les sols, nous détruisons des habitats, nous déplaçons les espèces… Les pressions sont telles que nombre d’espèces vivantes ont déjà disparu, d’autres, tout aussi nombreuses, voient leur population s’effondrer et sont, de fait, menacées de disparition. Ainsi, un tiers des espèces de vertébrés est en fort risque d’extinction dans le monde, les populations d’oiseaux ou d’insectes se sont déjà écroulées en Europe, les arbres stressés ne captent plus assez le gaz carbonique, l’eau verte ruisselle brutalement ou disparaît, faute de végétation…
Ce qu’il se passe en 24 heures dans la biodiversité
On consomme les produits de cinq espèces d’animaux dont viande, laitages, oeufs, fromages, colorants à base de cochenilles…
On boit 1,5 litre d’eau filtrée par la biodiversité.
On avale 13 espèces de végétaux dont café, cacao, betterave à sucre, cumin, poivre, ail, blé, cacahuète, lécithine de soja…
On pêche 2,7 milliards de poissons.
270 millions de tonnes de CO2 sont captées par les plantes et les algues.
On abat au moins 200 millions d’animaux d’élevage.
On croise en moyenne 31 lions, éléphants, girafes, ours gorilles… en photos ou en images.
On poste ou on like en moyenne 25 images de chats sur les réseaux.
On marche en moyenne sur 5 700 espèces de bactéries en ville.
On bétonne 55 000 hectares dans le monde.
On déforeste 27 000 hectares dans le monde.
On largue 8 200 tonnes de pesticides dans le monde.
On perd 700 000 milliards d’insectes.
Et plus spécifiquement en France ?
Chaque Français exploite indirectement 5 hectares pour satisfaire ses besoins de consommation.
La partie de nos impôts consacrée aux espaces verts est d’environ 50 € en moyenne par an.
Chaque année, 1 000 captages d’eau potable ferment en France pour cause de pollution.
On a perdu jusqu’à 25 % de rendements agricoles en France en 2022, avec la sécheresse.
Évolution du poids des mammifères sur la planète
Il y a 10 000 ans, les animaux sauvages représentaient 99 % et les humains
(10 millions), seulement 1 %.
Aujourd’hui, en 2025, les animaux d’élevage pèsent pour 67 % du total tandis que les êtres humains (7,8 milliards) en représentent 32 % et les animaux sauvages… 1 %.
Et si le vrai coût, c’était celui de notre inaction ?
Nous, nous persistons à ne pas comprendre : nous n’avons guère conscience de cette biodiversité qui nous entoure et de ses rôles vitaux en matière d’alimentation, de santé, d’eau ou de climat. Nous imaginons pouvoir substituer à des milliers d’espèces méconnues quelques-unes domestiquées, cultivées, élevées ou modifiées. Mettant ainsi en péril la pérennité des écosystèmes, ceux-là mêmes qui nous permettent de vivre. On nous demande des comptes, on nous exhorte à cesser de détruire stupidement ce qui nous entoure ?
Nous pleurnichons, nous plaignant des contraintes administratives corollaires – par exemple cette loi ZAN, destinée à freiner l’artificialisation des sols. En parallèle, nous pleurons sur le mauvais sort qui semble s’acharner sur nous, quand des pluies torrentielles inondent et détruisent nos villes ou villages bétonnés, quand des sécheresses extrêmes entraînent des feux ravageurs, brûlant plantations d’arbres et maisons en bois ! Mais quand prendrons-nous enfin conscience du coût de l’inaction, qu’il y a urgence et que c’est maintenant qu’il faut conduire les actions indispensables pour préserver notre vie de demain… Même si celles-ci peuvent nous paraître contraignantes !
Source : Biodiversité, Fake or not ? de Philippe Grandcolas, en collaboration avec Isabelle Brokman, Tana Éditions, novembre 2024, 14,90€,
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