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Bonne nouvelle : les déchets plastique sont en net recul le long des côtes européennes

Pour la première fois, un rapport européen montre une baisse significative des macro-déchets sur les littoraux. Un recul de 29 % entre 2015 et 2021 qui illustre l’efficacité des politiques publiques ciblées.

Le 09/05/2025 par Florence Santrot
ramassage de déchets plastique sur une plage
Sur les plages européennes, les efforts citoyens renforcent l’effet des politiques publiques. Crédit : _KUBE_ / stock.adobe.com.
Sur les plages européennes, les efforts citoyens renforcent l’effet des politiques publiques. Crédit : _KUBE_ / stock.adobe.com.

Oui, les petits (et grands) gestes comptent ! L’Union européenne (UE) nous gratifie d’une bonne nouvelle, de celles qui méritent d’être soulignées tant elles sont rares dans le domaine de l’environnement. Entre 2016 et 2021, les déchets marins sur les côtes européennes ont diminué de près d’un tiers. C’est ce que révèle une vaste étude menée par le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne, publiée en février 2025. Elle vise à voir les effets des efforts menés afin de tenir l’objectif européen fixé par l’e’objectif 5 du Zero Pollution Action Plan. D’ici 2030, l’UE doit réduire de 50 % les déchets plastique marins et de 30 % les microplastiques rejetés dans l’environnement.

Au total, ce sont 253 plages qui ont été scrutées au cours d’un total de 3 309 relevés dans 16 États membres. En moyenne, le nombre d’objets a diminué de 29 % par plage en cinq ans. Mieux : la présence de plastique à usage unique (sacs, les gobelets, couverts…) a chuté de 40 % ! En parallèle, les objets liés à la pêche (filets, cordages, flotteurs…) ont diminué de 20 % et les sacs en plastique ont reculé de 20 %. De bon augure donc… mais ce n’est qu’un début.

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Des politiques ciblées qui portent leurs fruits

Comment expliquer ce retournement de situation ? L’étude est formelle : “Cette réduction globale est principalement due à la diminution des déchets plastique à usage unique. Ce qui montre clairement que les politiques de réduction mises en œuvre par les États membres, conformément à la directive européenne sur les plastiques à usage unique, ont eu un effet tangible.” C’est la première fois qu’une tendance à la baisse est ainsi mesurée à l’échelle du continent.

En tête des mesures efficaces, l’interdiction progressive, à partir de 2021, de dix produits plastiques les plus souvent retrouvés sur les plages européennes : cotons-tiges, couverts, assiettes, pailles, touillettes, bâtonnets de ballons, récipients en polystyrène expansé… Une panoplie d’objets dont la disparition des rayons semble directement corrélée à leur disparition sur le sable.

Déchets marins sur la côte EU
Recul de la pollution aux déchets plastique sur les côtes européennes. En mer Méditerranéeenne, on en trouve 38 % de moins en 2020-2021 qu’en 2015-2016. Mais on part de loin : on compte 274 déchets tous les 100m en 2021 contre 376 déchets en 2016. Crédit : JRC.

Un recul des déchets plastique homogène mais fragile

Les chiffres sont encourageants, mais cette embellie ne doit pas masquer la fragilité du système. Car cette baisse reste “hétérogène” selon les pays et les zones côtières. “Dans certaines régions, la réduction est très nette. Dans d’autres, notamment en Europe du Nord, les résultats sont plus modestes”, précise l’étude. Sur la côte Atlantique Nord-Est et la mer du Nord, par exemple, la réduction n’est “que” de 13 % sur la période étudiée. En revanche, en mer Baltique, la baisse atteint 45 %, et les déchets le long du bassin méditerranéen sont en recul de 38 %. Enfin, les résultats restent instables dans la mer Noire, en raison d’une forte variabilité entre les sites.

Certaines sous-régions se démarquent particulièrement. L’Adriatique, longtemps pointée du doigt pour ses niveaux élevés de pollution, a vu sa densité de déchets passer de 1 341 à 333 objets par 100 mètres de côte. Une baisse spectaculaire de 75 %, qui montre que les marges de progrès sont réelles.

L’analyse souligne aussi que la baisse est particulièrement marquée dans les zones où des politiques nationales complémentaires ont été mises en place, comme les consignes sur les bouteilles ou les programmes de nettoyage communautaire. Autrement dit, la réglementation fonctionne, mais elle doit être accompagnée de relais locaux, de volonté politique sur le terrain et d’une mobilisation citoyenne durable.

Des signaux positifs, mais pas encore un “bon état écologique” pour les littoraux européens

Ce reflux du plastique ne signifie pas pour autant que les plages européennes sont devenues vierges. Les déchets restent omniprésents, avec une densité moyenne de 203 objets visibles pour 100 mètres de plage EN 2020-2021 (287 en 2015-2016). Nous restons loin de l’objectif fixé comme limite convenue pour les déchets côtiers : 20 macrodéchets marins tous les 100 mètres sur le littoral (seuil de bon état écologique). Surtout, le plastique continue de dominer très largement. 80 % des déchets marins sont des plastiques, explique la Commission européenne.

Autre point d’attention : si les objets les plus volumineux se raréfient, les microplastiques, eux, ne sont pas inclus dans cette étude. Ce qui signifie qu’une partie invisible – et potentiellement la plus nocive – de la pollution échappe encore à l’analyse.

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Déchets plastique : des habitudes de consommation qui évoluent

Pour les auteurs du rapport, ce changement s’explique aussi par une évolution des comportements. L’interdiction de certains objets a modifié les habitudes : les gobelets réutilisables sont devenus plus courants dans les festivals et les cafés, les sacs en tissu ont remplacé les sacs en plastique, et les pailles en métal ou en carton se sont imposées.

Paille en plastique
Ne plus retrouver de pailles sur les plages, une conséquence de politiques publiques et de changements d’habitude positifs pour l’environnement. Crédit : Thomas Dutour / stock.adobe.com.

Cela tend à confirmer que la transition écologique ne se heurte pas tant à une résistance culturelle qu’à l’absence d’options concrètes dans le quotidien. Des campagnes ciblées, en particulier auprès des jeunes générations, peuvent renforcer les effets des mesures réglementaires. L’introduction du sujet dans les programmes scolaires est d’ailleurs l’une des recommandations du JRC.

Le rapport identifie aussi d’autres pistes pour continuer sur cette tendance encourageante : élargir les interdictions à d’autres objets problématiques, renforcer la consigne sur les bouteilles, mieux encadrer les rejets industriels ou encore intégrer la lutte contre les déchets plastique dans les politiques d’aménagement du littoral.

Un combat de longue haleine, mais une victoire symbolique

Face à l’ampleur du problème – plus de 11 millions de tonnes de plastique rejoignent les océans du monde entier chaque année selon l’ONU – cette baisse de 29 % en Europe peut sembler dérisoire. Et pourtant, elle constitue un signal fort : il est possible d’inverser la tendance. Il ne s’agit pas d’un miracle, mais du fruit d’un changement systémique, impulsé par la loi, porté par les citoyens et confirmé par les données. Réduire d’un tiers la présence de plastique visible sur les plages européennes en six ans est un succès. Mais c’est un succès fragile.

Ce rapport du JRC, en le quantifiant avec rigueur, offre bien plus qu’une photographie du littoral : il donne des raisons d’espérer, sans naïveté mais avec lucidité. Et surtout, il rappelle qu’en matière d’environnement, chaque pourcentage gagné est une victoire à préserver.

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