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« Cette COP28 à Dubaï risque d’être une opération de greenwashing XXL »

Nicolas Pereira, président-fondateur du World Impact Summit, fait partie de ceux qui appellent à boycotter la COP28 qui se tient du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï aux Émirats arabes unis. Il s’en explique.

Le 15/11/2023 par Florence Santrot
COP28
Sur le plan de la symbolique, cette COP28, organisée à Dubaï et présidée par le PDG d'un des plus grands groupes pétroliers mondiaux, est une catastrophe. Crédit : iStock / WD.
Sur le plan de la symbolique, cette COP28, organisée à Dubaï et présidée par le PDG d'un des plus grands groupes pétroliers mondiaux, est une catastrophe. Crédit : iStock / WD.

La nouvelle conférence pour le climat organisée par les Nations unies à de quoi laisser sceptique et dubitatif. La COP28 se tient du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Dubaï, avec sa station de ski en plein désert, ses centres commerciaux XXL, ses stades climatisés ou encore le règne du tout-automobile, n’est pas exactement un exemple de transition écologique. Le sultan Ahmed al Jaber, président de la COP28, est le PDG de la compagnie pétrolière nationale d’Abu Dhabi (ADNOC). Celle-ci a annoncé vouloir augmenter sa production de pétrole brut de 3 millions de barils de pétrole par jour à 5 millions d’ici 2030. Autant d’indices qui laissent présager une COP28, au mieux, stérile. Au pire contre-productive.

Peu étonnant que des voix s’élèvent contre cette situation ubuesque. Le 30 septembre dernier, Nicolas Pereira, aux côtés de quelque 180 responsables d’entreprises, appelait au boycotte de cette COP28. Président et fondateur du World Impact Summit, un Sommet des Solutions à Impact Positif, il dénonce les lobbies des énergies carbonées qui risquent fort de faire en sorte qu’aucun accord sur la réduction de la consommation des énergies fossiles ne soit adopté lors de la COP28.

WE DEMAIN : Vous craignez le pire pour cette COP28 ?

Nicolas Pereira
Nicolas Pereira. Crédit : WIS.

Nicolas Pereira : Il y a déjà un vrai problème de symbole avec cette COP28 à Dubaï, présidée par un géant du pétrole. Nous sommes dans une période éminemment complexe sur plein d’aspects géopolitiques évidemment et donc le sujet climatique est un peu effacé. Mais il reste un sujet de fond et l’urgence est toujours aussi présente. Pourtant, on décide d’envoyer ce message pour le moins ambivalent… Forcément, quand le grand public découvre ça, la première réaction est de se demander si c’est vraiment sérieux. On avait déjà eu en Egypte, l’an dernier, une COP27 sponsorisée par Coca-Cola (premier pollueur plastique au monde), la COP28 enfonce le clou. Comment croire dans ces conditions qu’il en sortira quelque chose d’intéressant ?

C’est pourquoi vous appelez au boycott…

C’est écrit ce qui va se passer lors de cette COP28 dans la ville de la démesure. On sait ce qu’il va se passer mais on va quand même s’étonner à la fin de ne pas trouver d’accord. On sait d’avance que le président de cette COP et le pays organisateur ne souhaitent pas d’accord sur la réduction dès la consommation des énergies fossiles. Or c’est censé être un des grands objectifs de cette conférence : définir la trajectoire de réduction de la consommation et de la production des énergies possibles.

Comment cela pourrait être possible quand le pays d’accueil de la COP a d’ores et déjà annoncé vouloir augmenter sa production d’énergies fossiles jusqu’en 2030. Dans ces conditions, quelle image renvoie ce rassemblement ? C’est pourquoi nous demandons à ce que toutes les organisations (collectivités, ONG…) qui ne sont pas directement parties prenantes dans les négociations de cette COP28 ne participent pas pour ne pas cautionner un tel événement.

Selon vous, c’est la fin de la légitimité des COP ?

Je ne remets pas en question l’importance des COP mais c’est justement parce qu’elles sont importantes qu’il faut être extrêmement vigilant à la façon dont elles sont organisées. On ne peut pas tolérer ce qui va se dérouler à Dubaï d’ici quinze jours. Pour ce qui est des futures conférences pour le climat, je suis en effet inquiet que cette édition fasse perdre toute légitimité et que les prochaines n’aient plus aucune crédibilité. Avoir une COP sur la réduction des énergies fossiles organisée par un pays qui augmente sa production, c’est assez irréel.

Évidemment, je prédis une opération de greenwashing XXL. Les Émirats Arabes Unis devraient annoncer l’acquisition d’une concession qui occupe 10 % de la superficie du Libéria pour faire de la compensation carbone grâce à la conservation-reforestation des forêts. Comme si ces crédits-carbone allaient suffire face aux nouvelles émissions de gaz à effet de serre… Je serais le premier à dire que je me suis trompé si on arrive à un accord intéressant en décembre mais j’en doute vraiment. Et comment se relever de cela après, c’est toute la question…

Vous prônez une modification du processus d’organisation des COP et de désignation de la présidence ?

Oui, on n’appelle pas seulement au boycott de cette COP28. On veut aussi construire une proposition alternative et on aimerait d’ailleurs que le gouvernement français s’en saisisse. Il faut sortir la conférence pour le climat des codes de fonctionnement actuel de désignation qui archaïque car les enjeux de symbolique, d’images, ont changé.

Je pense qu’il faudra créer une organisation mondiale indépendante, mais toujours sous l’égide de l’ONU, mais dédiée à ce sujet. Ce ne serait plus l’État le plus riche de chaque zone mondiale qui organiserait à tour de rôle la COP en mettant un chèque sur la table.

Vous parlez aussi d’une COP davantage axée sur les solutions…

Oui. Il faudrait que cette organisation soit présidée par des experts, des élus des États, des représentants d’ONG… reconnus pour leur pertinence et leur exemplarité. Ils désigneraient chaque année la ville d’accueil de la conférence en fonction de ce qu’elle a mis en place pour la transition écologique. Créons une COP axée sur les solutions et non plus sur la résolution de problèmes. Ce seul changement de paradigme est déjà pour moi majeur dans la réussite ou non des COP. Si les États, collectivités, organisations… se réunissent pour partager leurs solutions, leurs meilleures pratiques, cela va forcément accélérer la transition.

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