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Toulouse accueille le premier « réfugié climatique » en France

C’est une première en France : la justice a refusé l’expulsion d’un homme souffrant d’une maladie respiratoire du fait de la pollution dans son pays d’origine, le Bangladesh.

Le 19/01/2021 par Alice Pouyat
Dhaka, la capitale du Bangladesh, est l'une des villes les plus polluées au monde. (Crédit : Shutterstock. )
Dhaka, la capitale du Bangladesh, est l'une des villes les plus polluées au monde. (Crédit : Shutterstock. )

Est-ce un cas isolé ou un début de reconnaissance du statut de « réfugié climatique » en France, encore inexistant ?

Le 18 décembre, la justice française a estimé qu’un homme vivant à Toulouse souffrant de graves problèmes respiratoires ne pouvait être renvoyé dans son pays d’origine, en raison de la pollution, rapporte France 3 Occitanie.

Sheel, c’est ainsi que les médias l’on renommé, est arrivé en France en 2011 après avoir quitté le Bangladesh où il aurait été persécuté. Sa première demande d’asile politique est refusée mais, depuis 2015, il dispose d’un titre de séjour en qualité d’« étranger malade ». Un statut accordé quand une personne ne peut accéder à un traitement adéquat dans son pays.

Sheel souffre en effet d’un asthme sévère mais aussi d’apnée du sommeil le contraignant à dormir sous assistance respiratoire. Son traitement actuel lui permet de vivre « normalement » et de travailler dans un restaurant.

En 2019, la préfecture estime toutefois qu’un traitement est désormais disponible au Bangladesh, et ne renouvelle pas sa carte de séjour. Une décision révoquée d’abord par le tribunal administratif de Toulouse, puis en décembre par la cour d’appel de Bordeaux.

« C’est la première fois en France qu’une juridiction prend en compte le critère climatique pour justifier qu’une personne doive bénéficier du statut d’étranger malade », commente Me Ludovic Rivière, avocat de Sheel, au site InfoMigrants.

« Car les conditions environnementales au Bangladesh permettent d’affirmer qu’il serait illusoire que mon client y soit soigné, cela reviendrait à l’envoyer à une mort certaine. »

Les fortes chaleurs et les coupures d’électricité dans son pays d’origine compliquent notamment l’utilisation de l’appareil dont Sheel a besoin pour respirer la nuit.

Vers un statut de réfugié climatique ?

Surtout, à Dacca, la capitale du Bangladesh, le taux de particules fines dans l’air est six fois plus élevé que celui admis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le pays est l’un des plus pollué au monde.

« De la même manière qu’on ne renvoie pas un malade du Sida vers un pays où il ne peut pas être soigné ou bien un condamné à mort vers un État qui pratique la peine capitale, Sheel ne peut pas être expulsé vers le Bangladesh« , poursuit son avocat.

À lire aussi : À Soulac-sur-Mer, les premiers expulsés climatiques français

Ce cas peut-il faire jurisprudence et créer un vrai statut de réfugié climatique en France ? « On en est encore loin », tempère toutefois Me Rivière. Ce statut n’existe pas dans le droit français, à la différence du statut de réfugié, défini et protégé par la Convention de Genève de 1951.

L’un des obstacles est de prouver que la vie d’une personne est directement menacée, par exemple pour des zones frappées de sécheresse.

Prendre en compte la question climatique dans les expulsions

Mais l’avocat espère désormais que la justice prendra en compte de façon plus systématique la question climatique dans ses décisions.

En janvier 2020, le comité des droits de l’homme des Nations Unies avait déjà ouvert une brèche en ce sens, estimant que cette question climatique devait désormais être considérée par les États au moment de statuer sur des expulsions. Il s’exprimait alors qu’un homme issu des Kiribati, un État archipélagique situé dans l’océan Pacifique, avait été expulsé de Nouvelle-Zélande.

Une question qui ne manquera de revenir dans l’actualité. Les Nations unies tablent en effet sur 250 millions de réfugiés climatiques dans le monde d’ici à 2050.

Aussi, la décision française n’a pas manqué d’interpeller d’autres pays. Elle a été qualifiée cette semaine de « cas historique » par le quotidien anglais The Guardian.

Interrogé par le journal, David R Boyd, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement, le souligne : « La pollution de l’air cause 7 millions de décès prématurés chaque année, il est donc compréhensible que les gens se sentent obligés de migrer à la recherche d’un air pur ».

En attendant de clarifier ce statut, les Nations-Unis appellent pour le moins les États à respecter au plus vite les Accords de Paris visant à limiter le réchauffement.

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